La peinture de Paul Klee (1879-1940), qui a évolué entre fauvisme, cubisme, art figuratif, abstrait et surréalisme, a longtemps été considérée comme relevant de l’avant-garde. Ce qui ne l’a pas empêchée, dans les années 20 et 30, d’être reconnue à sa juste valeur par les journalistes de L’Intransigeant, qui considéraient l’artiste comme un des meilleurs représentants de l’art d’outre-Rhin.
Le 4 février 1929, l’éditeur et critique d’art Tériade, grand ami des artistes de son temps, rend ainsi compte d’une exposition de Klee qui se tient alors à la galerie Georges Bernheim, rue du faubourg Saint-Honoré. Ne manquant pas de relever l’influence des « peintres orientaux » dans l’œuvre de l’Allemand, il écrit ensuite :
« Les peintures de Paul Klee fortifient notre confiance en ce peintre que nous pouvons considérer avec Kandinsky, plus théorique, allant jusqu’à l’abstraction pure, et Kokoschka, comme les meilleurs représentants de la peinture allemande, ceux qui touchent davantage notre sensibilité. »
Il est vrai que l’artiste, à cette époque, jouissait déjà d’une solide réputation (il enseignait au Bauhaus de Walter Gropius). Le 18 mars 1930, Will Grohman prend à son tour la plume dans L’Intransigeant pour défendre la peinture moderne allemande. Après avoir rattaché celle-ci aux expressionnistes et au mouvement « Die Brücke », il note à propos de Klee qu’« il fut au début un délicieux miniaturiste, pour devenir ensuite un grand magicien de formes et de couleurs, un peintre d’une supériorité extraordinaire ».
Le 10 juillet 1938, alors que les tensions entre la France et l’Allemagne sont à leur comble, le journaliste Brunon Guardia voit en Klee « l’un des plus fameux champions de ce que M. Hitler nomme si gentiment le « Kulturbolchevismus » (Klee avait été obligé de s’exiler en Suisse à partir de 1934 à cause des attaques violentes des national-socialistes).
Décelant en sa peinture un caractère « nettement germanique », le journaliste conclut :
« Suivant les tempéraments, cette peinture déroute ou séduit. En revanche, une géométrie aux jeux très sûrs, les harmonies savantes de certains fonds, maints accords neufs et précieux permettent, à eux seuls, de croire que l’avenir retiendra le nom de Paul Klee. »
Ecrit par
Pierre Ancery est journaliste. Il a signé des articles dans GQ, Slate, Neon, et écrit aujourd'hui pour Télérama et Je Bouquine.