Le 23 août 1926 survenait un drame terrible pour des millions d'admiratrices : l'acteur italo-américain Rudolph Valentino mourait à 31 ans, des suites d'une septicémie survenue après une opération chirurgicale. Il avait joué dans des dizaines de films dont Les quatre cavaliers de l'Apocalypse (1921), Le cheikh (1921), Le droit d'aimer (1922) ou L'Aigle noir (1925), et comptait à l'époque parmi les superstars de Hollywood. Son image reste celle d'un séducteur à la beauté ténébreuse.
En France, sa mort est largement commentée. L'Intransigeant du 28 août lui rend un hommage enflammé (mais aussi un peu critique) :
"Étrange célébrité que celle d'un homme comme lui. On ne sait pas toujours s'il est bon comédien ou s'il est seulement passable, on n'est même pas sûr qu'il soit sympathique, son œil parfois manque de bonté, il est surtout excellent dans les scènes de vengeance et de passion. Nous connaissons des jeunes premiers qui, esthétiquement, sont plus beaux que lui, plus noblement symétriques. N'importe, c'est Rudolph Valentino qui nous attire avec une puissance quasi-invincible."
Paris-Soir, quant à lui, ne fait pas dans la dentelle (même si on devine une once d'ironie dans l'article) :
"Rudolph Valentino vient de mourir. La terre n'a pas tremblé, les cieux ne se sont pas obscurcis mais, sur toute l'étendue du nouveau continent, l'atmosphère a retenti de clameurs funèbres, le vulnéraire a manqué dans toutes les pharmacies et de graves perturbations ont été observées dans les transmissions téléphoniques à cause des dames standardistes dont les nerfs s'étaient mis en court-circuit. De plus, les autorités américaines envisagent avec inquiétude les désordres que ne peut manquer de produire l'excès de la douleur populaire lors des funérailles du dieu. Car Rudolph Valentino était l'homme le plus beau du monde. Sa beauté, que le film avait rendue célèbre dans l'univers entier, lui rapportait, dit-on, vingt millions par an de revenu fixe, plus le casuel constitué par plusieurs tonnes de lettres d'amour rédigées dans tous les dialectes du globe. Et, depuis que les Parques jalouses ont tranché le fil de ses jours, Vénus elle-même porte son deuil."
Hospitalisé depuis le 15 août, son agonie avait été suivie en direct à la radio par des auditeurs du monde entier. Sa mort reste légendaire. Lors de son enterrement, il semble qu'environ 100 000 personnes soient descendues dans les rues de New York pour accompagner sa dépouille. L'actrice Pola Negri, avec qui il avait une relation, s'effondre hystérique auprès de son cercueil. On raconte même que plusieurs femmes se sont suicidées en apprenant sa mort...
Ecrit par
Pierre Ancery est journaliste. Il a signé des articles dans GQ, Slate, Neon, et écrit aujourd'hui pour Télérama et Je Bouquine.