Écho de presse

L'exil forcé de Beaumarchais

le 29/05/2018 par Pierre Ancery
le 07/07/2017 par Pierre Ancery - modifié le 29/05/2018
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais ; gravure d'Augustin de Saint-Aubin ; 1773 - source Gallica BnF

En décembre 1792, alors que la Terreur l'a obligé à se réfugier en Angleterre, Beaumarchais se défend dans le "Mercure universel" des accusations de trahison dont il est l'objet.

L'auteur du Barbier de Séville et du Mariage de Figaro, pièce censurée pendant trois ans, est souvent considéré comme un écrivain annonciateur de la Révolution française. En 1790, celui qui écrivait que "sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur" se rallie en effet à la Révolution et devient membre provisoire de la Commune de Paris. Sans pour autant perdre le sens des affaires : en mars 1792, Beaumarchais, spéculateur impénitent, achète à la Hollande 60 000 fusils pour armer les troupes de la République.

 

Mais l'affaire le ruine et le rend suspect aux yeux de l'Assemblée législative. Dénoncé en juin comme "accapareur d'armes", après une fouille de sa superbe maison près de la Bastille, il est arrêté et enfermé à la prison de l'Abbaye. Libéré à la veille des massacres de Septembre, il parvient à fuir en Angleterre. C'est de là qu'en décembre, il écrit une longue lettre adressée à sa femme et à sa fille, lettre qui est publiée dans le Mercure universel le 18 décembre 1792 :

 

"Ma pauvre femme, et toi, ma charmante fille ! Je ne sais où vous êtes, ni où vous écrire, ni même par qui vous donner de mes nouvelles ; lorsque j'apprends par les gazettes, que le scellé est mis une troisième fois, depuis quatre mois, sur ma maison de Paris, et que je suis décrété d’accusation pour cette misérable affaire des fusils de Hollande, à laquelle on a joint une abomination d'un genre plus sérieux, pour aller plus vite avec moi. Je charge donc tous les honnêtes gens qui lisent les gazettes étrangères, d’avoir l'humanité de vous dire, ô mes chères tendresses ! que c’est de Londres, de cette terre hospitalière et généreuse, où tous les hommes persécutés dans leur patrie trouvent un abri consolateur ; que je vous prie de ne point vous affliger sur moi. Je vois vos douleurs à toutes ; les larmes de ma fille me tombent sur le cœur et le navrent ; mais c'est mon unique chagrin."

 

Beaumarchais se défend ensuite des accusations que le député Lecointre a fait peser sur lui. Il nie notamment avoir correspondu avec Louis XVI et avoir conspiré avec lui "contre la liberté française" :

 

"Je n’ai jamais écrit au roi Louis XVI, ni pour, ni contre la révolution ; et si je l’avais fait, je serais glorieux de le publier hautement ; car nous ne sommes plus au temps où les hommes de courage avoient besoin de s’amoindrir, lorsqu’ils écrivaient aux puissances : à la hauteur des événements, j’aurais dit à ce prince de telles vérités, qu'elles auraient pu détourner ses malheurs, et surtout prévenir les maux qui déchirent le sein de notre malheureuse France. Les seules relations directes que j’aie jamais eues avec ce roi, par l'intervention de ses ministres, remontent à la première année de son règne, il y a 18 ans, au moment qu’il s’élevait à ce trône, d’où un caractère trop faible, bien des fautes et la fortune, viennent de le faire choir si misérablement."

 

Puis, revenant sur les circonstances de sa libération, il demande à la Convention de revenir sur son décret d'accusation. Celui-ci, en effet, lui fait courir le risque de passer sur l'échafaud si jamais il revenait en France...

 

"Je fais ma pétition à la Convention nationale, pour la prier de distinguer la ridicule affaire des fusils, de la très grave accusation d'une coupable correspondance : avant de me purger de la première, je dois être lavé ou mort sur mon travail de la seconde. Mais, au nom de Dieu, chère femme, si tu veux que j’aie toute ma tête , défends à ta fille de pleurer.

Londres le 7 décembre 1792. Caron Beaumarchais."

 

Bien des péripéties l'empêcheront de revenir immédiatement chez lui, et ce n'est qu'en juillet 1796 que Beaumarchais, aimé d'une grande partie du peuple français, pourra revenir embrasser sa femme, sa fille et sa sœur dans sa maison parisienne. Désormais au bord de la faillite, il aura toutefois la joie de voir triompher la reprise de sa pièce La Mère coupable en 1797 et le temps d'écrire ses Mémoires, avant de s'éteindre le 18 mai 1799.

 

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Histoire de Beaumarchais
P.-P. Gudin de la Brenellerie
Le Barbier de Séville
Beaumarchais
Le Mariage de Figaro
Beaumarchais