Écho de presse

Gaspard de Besse, la mémoire ressuscitée d'un bandit de grand chemin

le 07/08/2019 par Michèle Pedinielli
le 20/07/2019 par Michèle Pedinielli - modifié le 07/08/2019
Les treize femmes de Gaspard de Besse, roman inédit de Paul Bosq et Théodore Henry - Source : Gallica-BnF

En 1935, le film « Gaspard de Besse » avec Berval et Raimu ressuscite la mémoire du bandit de grand chemin, détrousseur des fortunés et protecteur des pauvres, mort sur la roue en 1781.

En 1935, André Hugon (réalisateur du premier film français parlant) porte à l’écran « Gaspar de Besse », le roman de l’académicien Jean Aicard. Tourné en décor naturel en Provence, le film raconte les exploits d’un voleur de grand chemin du XVIIIe siècle. Film d’aventure et bluette romantique ? Pas pour le très catholique et conservateur Les Échos de Paris qui voit dans cette production un exemple de « bas théâtre socialo ».

« Dans les salles « rouges », ce film aura donc — on le voit — un accueil enthousiaste. J'entends d'ici les tempêtes d'applaudissements qui salueront tant et tant de répliques à l'emporte-pièce où la société marâtre est stigmatisée et celles où le bon peuple est incité à se venger par la violence des bourreaux qui l'oppriment ! Le succès sera d'autant plus chaleureux que le cinéma soviétique lui-même n'a pas osé nous envoyer de films de propagande aussi nets, aussi virulents. Ou, du moins, la censure les eût arrêtés au passage. »

Sans surprise, de l’autre côté de la presse politique, LHumanité découvre cette histoire avec une agréable surprise.

« Nous ne connaissons malheureusement pas l'histoire ni la légende de Gaspard de Besse et sans doute a-t-on dans le film de ce nom détourné, au profit d'un certain romantisme, la révolte de tout un peuple, révolte qui aboutit à la grande Révolution française.

En tout cas, il reste que Gaspard de Besse est un film excellent, que son scénario, s'il n'est pas authentique est au moins propre, que de nombreuses répliques sont d'une vérité et d'une dureté auxquelles le cinéma français qui vit sous le régime de l'éteignoir et de la crainte à la fois des jésuites et des ligues ne nous avait pas habitués. »

Surnommé le rival de Cartouche, Gaspard Bouis est né à Besse dans le Var en 1757. On le dit révolté par la misère et l’injustice et désireux de s’enrichir rapidement. C’est à Toulon qu’il fait ses premières armes de détrousseur. Le jeune homme de 17 ans brille bientôt dans l’art de subtiliser les bourses et brigander les voyageurs, mais toujours avec ruse, malice et sans violence.

« Ce fut un bandit de grande route, sans doute, mais il avait des accès de générosité chevaleresque, et la terreur qu'il fit peser un moment sur la campagne effrayait plus les nobles et les seigneurs que les serfs de la glèbe. Il eut vraiment, d'ailleurs, de l'envergure. Il ne tuait jamais, ne s'attaquait qu'aux riches, et on peut dire que, par sa bonté pour les malheureux, il rendait de la main gauche ce qu'il prenait de la main droite.»

Son terrain d’action : les gorges d’Ollioules ainsi que les massifs de la Saint-Baume, des Maures et de l’Estérel, où il vit avec sa bande dans une grotte aménagée en cache. Rapidement, la réputation du jeune homme grandit, d’autant qu’il n’hésite pas à prodiguer des largesses aux plus pauvres. Sa tête est mise à prix par la gendarmerie, mais le peuple provençal est de son côté.

« Il était séduisant, audacieux, chevaleresque. Il avait les traits fins, les manières gracieuses, la tournure élégante. II ne volait que les riches, Il ne détroussait que les collecteurs d’impôts, les agents du fisc. En revanche, il protégeait les petits, il venait en aide aux malheureux. S’il effraya quelquefois, il ne tua jamais. On vantait sa générosité, sa hardiesse, sa bravoure. On riait des bons tours qu’il jouait à la maréchaussée. »

Détrousseur des plus fortunés, reversant des subsides aux plus démunis… l’histoire rajoute également une prestance et une séduction qui touchent les femmes.

« Il était plein de courage. Adoré des femmes, ce fut un amoureux extraordinaire, N'avait-il pas, en même temps, comme maitresses, toutes les ouvrières d'un atelier. »

Pour Gil Blasqui voit en Gaspard de Besse les prémisses de la Révolution, le bandit est né un peu trop tôt dans ce XVIIIe siècle.

« Passant par les bois de Provence ou dans les vieux quartiers de Marseille, toujours entre deux rendez-vous d'amour, Gaspard de Besse fut un de ceux qui eurent la vision de la grande Révolution. S'il avait vécu plus tard, il aurait été à la tête des bataillons de Marseillais qui marchèrent sur Paris en chantant le grand hymne auquel ils donnèrent leur nom. »

Comme beaucoup d’histoires de gendarmes et de voleurs, celle-ci finit mal pour Gaspard. En 1780, après près de six ans de cache-cache avec les forces de l’ordre, il est arrêté sur dénonciation à La Valette. Le Petit Marseillais affirme en 1922 détenir le compte-rendu de son arrestation en compagnie d’un évadé des galères en date du 26 octobre 1780.

« On garotta tant l’un que l’autre, et, après s’en être bien assuré, on découvre que le premier est le nommé Augias, forçat évadé de puis cinq ans, natif lui-même de la Valette, où il s’était rendu redoutable par divers attentats et par des menaces qui avalent épouvanté la contrée. L'autre est le nommé Gaspard Bouis, homme plus dangereux encore, et violemment soupçonné d’être le chef d'une bande de voleurs qui infeste depuis long temps les routes de la Provence, et dont le Parlement avait mis la tête à prix. »

Le procès se déroule devant la cour d’Aix-en-Provence. Gaspard de Besse, qui n’a jamais blessé ni tué, est quand même condamné au supplice de la roue. Sa tête devra ensuite être exposée aux bois des Taillades, l’un de ses lieux de brigandage. Selon la légende rapportée par Le Petit Marseillais, Gaspard de Besse fait de cette dernière apparition un jour de gloire.

« Le jour de sa mort fut un jour de deuil pour toute la ville d’Aix », a écrit Léon Gozlan, son historiographe. Une foule immense de peuple se pressait sur le passage du lugubre cortège : les fenêtres des maisons étalent garnies du meilleur monde. On s’apitoyait sur la jeunesse du malheureux. II ne provoquait que des sentiments de compassion et de sympathie. Mlle Elise de Malherbe écrivit, le lendemain, à sa cousine Mme d’Aubenas les impressions de cette journée pénible : « ...On ne voulait pas croire à cette sévérité du Parlement, envers un homme si jeune et qui n’avait jamais commis d’assassinat. Il marchait à la mort comme à une fête, répondant par des saluts gracieux aux baisers que lui envoyait la foule... »

La notoriété du brigand survit à son supplice. En 1847, lorsqu’une diligence se fait attaquer à Vannes, les noms de deux célèbres bandits arrivent côte à côte pour qualifier l’audace du vol.

« Un coup de main d'une audace extraordinaire, et qui rappelle les exploits de grande route des Cartouche et des Gaspard de Besse, et l'arrestation plus récente dont fut l'objet la diligence de Blois, a mis hier une somme considérable au pouvoir d'une bande de misérables qui, nous l'espérons bien, n'échapperont pas aux recherches de la justice.»

Aujourd’hui, la légende de Gaspard de Besse est toujours vivante en Provence. D’autant plus qu’elle affirme que le bandit avait caché un trésor quelque part du côté de Cuges-les-Pins (13). Trésor toujours introuvable aujourd’hui.

Pour en savoir plus :

Les treize femmes de Gaspard de Besse, roman inédit de Paul Bosq et Théodore Henry

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Les treize femmes de Gaspard de Besse
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