Écho de presse

Léon Bloy, chroniqueur fulminant chez Gil Blas

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Photo de Léon Bloy dans un jardin, circa 1910 - source : Le Cercle Aristote

Entre décembre 1888 et février 1889, l'écrivain catholique Léon Bloy fait un bref passage dans les colonnes de Gil Blas. Le temps, pour ce virtuose de l'imprécation, d'y écrire quelques chroniques drôles et furieuses sur son époque, qu'il détestait.

Écrivain solitaire et intransigeant, Léon Bloy (1846-1917) méprisait le journalisme, une pratique dans laquelle il voyait une forme impardonnable d'avilissement et de compromission.

L'auteur catholique de La Femme pauvre et de l'Exégèse des lieux communs s'y adonna pourtant régulièrement, mais toujours dans le but d'honorer la mission littéraire et mystique qu'il s'était donnée : celle de fustiger inlassablement, au nom d'un christianisme authentique, le matérialisme de son époque et les égoïsmes de ses contemporains.

Entre décembre 1888 et février 1889, Léon Bloy publia ainsi dans Gil Blas une poignée d'articles dans lesquels sa verve truculente éclate à chaque ligne. Dans le premier, paru le 3 décembre et intitulé « Les eunuques du grand sérail », Bloy prend la défense de l'écrivain belge Camille Lemonnier, condamné pour outrage aux bonnes mœurs à la suite d'une nouvelle parue dans Gil Blas. Bloy, érigeant Lemonnier en symbole de l'Art persécuté, donne à l'affaire une dimension cosmique :

« Tout nous manque indiciblement. Nous crevons de la nostalgie de l'Être. L'Église qui devrait allaiter en nous le pressentiment de l'Infini, agonise, depuis trois cents ans qu'on lui a tranché les mamelles. L'extradition de l'homme par la brute est exercée jusque dans les cieux. Il ne reste plus que la louve de l'Art qui pourrait nous réconforter, si on ne lapidait pas les derniers téméraires qui vont encore se ravitailler à ses tétines d'airain [...].

Aussi longtemps que subsistera la race douloureuse des enfants d'Adam, il y aura des hommes affamés de Beau et d'Infini, comme on est affamé de pain. Ils seront en petit nombre, c'est bien possible. On les persécutera, c'est infiniment probable. Nomades éplorés du grand Rêve, ils vagueront comme des Caïns sur la face de la terre, et seront peut-être forcés de compagnonner avec les fauves pour ne pas rester sans asile.

Traqués ainsi que des incendiaires et des empoisonneurs de fontaines, abhorrés des femmes aux yeux charnels qui ne verront en eux que la guenille, invectivés par les enfants et les chiens, épaves affreuses de la Joie de soixante siècles, roulées par le flot de toutes les boues de ce dernier âge, ils agoniseront à la fin, – aussi confortablement qu'il leur sera donné de le faire – dans de...

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