Écho de presse

Jean Genet, naissance d'un poète voyou

le par

« Jean Genet, métamorphose de l'abject », article de Maurice Nadeau paru dans Combat, septembre 1949 - source : RetroNews-BnF

Écrivain, poète et auteur dramatique, Jean Genet (1910-1986) a conçu quelques-uns des textes les plus éblouissants du XXe siècle. Dans l'après-guerre, les sulfureux Notre-Dame des fleursPompes funèbres ou Journal du voleur valent à leur auteur une réputation scandaleuse.

Poète des bouges et de l'homosexualité, chantre du vol et de la trahison, écrivain du meurtre et de la prostitution, c'est dans les pages des faits-divers que Jean Genet voit son nom imprimé pour la première fois dans la presse. En pleine Seconde Guerre mondiale, le 5 décembre 1940, L'Œuvre écrit :

« À l'étalage d'un libraire du Quartier Latin, Jean Genet, 31 ans, sept fois condamné pour vol, venait de dérober trois ouvrages : une “Histoire de France”, une “Histoire du Consulat et de l'Empire” et un volume de philosophie.

Conduit devant le commissaire de police du quartier, il reconnut les faits, en disant que la lecture était sa plus grande passion. Au début, il vendait les volumes dérobés ; maintenant il les déposait, à d'autres étalages, après les avoir lus. Genet a été écroué. »

Né en 1910 de père inconnu, Jean Genet connaît une enfance douloureuse. Abandonné par sa mère, il est d'abord élevé par l'Assistance publique, puis par une famille de paysans du Morvan, avant d'être confié à la sinistre maison de redressement de Mettray pour avoir commis de petits larcins.

C'est là qu'il se forge la carapace qui l'accompagnera désormais :

« À chaque accusation portée contre moi, fût-elle injuste, du fond du cœur je répondrai oui […].

Je sentais le besoin de devenir ce qu’on m’avait accusé d’être […]. Je me reconnaissais le lâche, le traître, le voleur, le pédé qu’on voyait en moi. »

Journal du voleur

Le vol, le crime, l'homosexualité (alors réprouvée), Genet les sanctifiera dans son œuvre ultérieure au nom de l'inversion des valeurs et de la haine de toutes les institutions.

Après s'être enfui de Mettray, il s'engage à 19 ans dans la Légion étrangère, avant de déserter. S'ensuivent des années de vagabondage entre l'Espagne, où il vend son corps, et les bas-fonds de l'Europe centrale et de l'Allemagne hitlérienne. À plusieurs reprises, Genet est écroué pour vol. Revenu à Paris, on l'enferme à la Santé et à la prison de Fresnes : il y passe près de quatre ans.

C'est là qu'il commence à écrire : son premier texte, Le Condamné à mort, est rédigé en 1942 à Fresnes. En juillet 1943, le journal collaborationniste L'Œuvre, encore une fois, explique que Genet a été à nouveau arrêté alors qu'il volait un exemplaire illustré des Fêtes galantes de Verlaine à la devanture d'un libraire du boulevard Saint-Germain. Dans cet article intitulé « Le poète kleptomane », le journal rapporte l'échange entre le juge Patouillard et le jeune homme :

« LE PRÉSIDENT PATOUILLARD – Vous qui êtes un lettré, qu'est-ce que vous auriez ...

Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée.