La ville de Nice est choisie pour son cadre et son climat méditerranéen mais aussi parce que le jazz y est omniprésent depuis la fin de la guerre : les soldats de la sixième flotte des Etats-Unis, installés dans la rade de Villefranche-sur-Mer, ont popularisé ces nouvelles musiques dans la capitale azuréenne et ses environs. L’événement est d’importance : tous les concerts sont radiodiffusés.
Mais déjà, à l’annonce de la programmation, la polémique enfle : un seul orchestre français (et amateur de surcroît) pour rivaliser avec les grandes formations étrangères. De grands noms du jazz français (parmi lesquels Django Reinhard et Stéphane Grappelli) protestent dans une tribune relayée par les Lettres françaises :
« Les signataires de cette protestation demandent instamment que les organisateurs chargés du déroulement de ce gala révisent leur position et assurent une représentation plus effective des valeurs réelles françaises.
Il est inadmissible que, seul, un orchestre d'amateurs pour notre pays soit opposé aux meilleurs professionnels américains.
Une atteinte intolérable est portée là au prestige de la qualification professionnelle française. »
Dans Combat, Boris Vian répond à la polémique en louant les qualités de l’amateur Claude Luter (« meilleur représentant européen du vieux style d’improvisation collective ») et tacle les signataires de la protestation.
« Mais il s'avère que certains de ces grands noms ont décliné les offres de Dame-Radio, offres que Luter est seul à avoir acceptées.
Reconnaissons que ces propositions ne comportaient, assure-t-on, aucun cachet mais un simple défraiement complet dans d’excellentes conditions, matérielles. D’autres affirment qu’on ne leur a rien proposé du tout et d'aucuns qu’il est regrettable que soient payés les artistes américains et pas les autres.
Toujours est-il que l’histoire est embrouillée et que Luter y tient le rôle de bouc-émissaire. Je tiens à dire qu’il est injuste de rendre responsable d'un certain nombre de fausses manœuvres le plus modeste et le plus désintéressé des musiciens français de Jazz. Claude Luter sait le profit musical qu’il tirera du festival.
J’en connais beaucoup qui auraient avantage à se remettre un peu à l’école des musiciens noirs. »