Écho de presse

1905 : Jules Verne vient de s'éteindre

le 15/12/2022 par Arnaud Pagès
le 15/12/2022 par Arnaud Pagès - modifié le 15/12/2022

Malade et âgé, Jules Verne meurt du diabète le 24 mars 1905 à Amiens, entouré de sa famille. La presse rend hommage à l'œuvre d'un écrivain visionnaire et très populaire.

Depuis plusieurs années déjà, Jules Verne était malade. Le diabète dont il souffrait avait réduit son acuité visuelle, fatiguait ses membres, et l'empêchait quasiment d'écrire. Le 16 mars 1905, il est terrassé à Amiens par une violente crise et est obligé de s'aliter. Il ne se remettra pas de cette attaque.

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Les derniers jours de sa vie ne sont qu'une lente agonie vers la mort. Aimé et respecté partout en France et encore plus à Amiens, ville qu'il habite depuis 1871 et dont il est devenu conseiller municipal, il laisse derrière lui une œuvre titanesque, qui a bouleversé comme aucune autre la littérature française.

L'hommage de la presse va être à la mesure du grand écrivain qu'est devenu cet enfant de la bourgeoisie nantaise, né en 1828, passionné par les sciences et le progrès, et qui passa toute sa vie à rêver de voyages, d'aventures et de découvertes.

Le 25 mars, dès le lendemain de sa mort, le quotidien Le Petit Parisien évoque les derniers instants du grand écrivain :

« La famille de Jules Verne était réunie à son chevet lorsqu'il a rendu son dernier soupir. C'étaient : sa femme, son fils, M. Michel Verne, ses deux filles et ses deux petites filles.

Mme Jules Verne tint à lui fermer les yeux elle-même. L'agonie durait depuis onze heures du matin. Le romancier populaire s'éteignit sans souffrance, épuisé tant par l'âge que par la maladie. »

Le même jour, le journaliste Georges Price rédige dans Gil Blas une nécrologie touchante, en forme d'hommage, rappelant à quel point les œuvres du maître du roman scientifique furent marquantes :

« En apprenant la mort de Jules Verne, j'ai ressenti quelque chose de plus que le regret qui accompagne la mort d'un homme de talent. Et je crois que bien d'autres auront ressenti la même sensation de déchirement.

En me rappelant avec quelle impatience, au lycée, j'attendais le jeudi et le dimanche pour prendre ses œuvres dans la bibliothèque de l'étude, en me souvenant des belles émotions qu'il m'avait données, du charme si élevé qu'il avait répandu sur mes heures de collège, des consolations qu'il avait apportées à mes petites souffrances d'enfant, il m'a semblé que c'était encore un brin de ma jeunesse qui s’envolait... »

Le 26 mars, c'est au tour du quotidien régional L'Ouest-Éclair de Rennes de publier, après une première annonce la veille, une rubrique élogieuse sobrement intitulée « La mort de Jules Verne ».

« Nous avons annoncé hier la mort à Amiens, ou il s'était retiré depuis de longues années, d'un des écrivains français les plus populaires parmi la jeunesse, Jules Verne.

Que de souvenirs évoque le nom de cet écrivain dans la série des générations qui se sont succédées depuis un demi-siècle !

Il avait inventé un genre admirable, “remplacé le merveilleux de la féérie par un merveilleux nouveau” – ainsi que l'écrivit le secrétaire perpétuel Patin, dans son rapport à l'Académie française – un merveilleux dont les notions récentes de la science font les frais.

L'intérêt, habilement excité et soutenu, y tourne au profit de l'instruction. On en rapporte, avec le plaisir d'avoir appris, le désir de savoir, c'est ce qu'on appelle la curiosité scientifique. »

Le même jour, c'est le journal L'Intransigeant qui rend lui aussi un hommage particulièrement appuyé au grand écrivain :

« Avec Jules Verne disparaît l'un des hommes qui ont pris, dans la seconde partie du dix-neuvième siècle, l'une des places les plus importantes dans la littérature française. […]

Dans un style qu'il s'attachait à rendre simple, tout en traitant de questions parfois arides, il n'oubliait jamais qu'il s'était fait l'éducateur de la jeunesse et, par la force de son talent, il fut aussi celui des hommes. […]

On peut dire que si Voltaire et Rousseau furent les prédicateurs de la Révolution, Jules Verne fut celui des dernières découvertes de la science ultra-moderne. »

Le 30 mars, c'est au tour de L'Écho nogentais de publier, en des termes dithyrambiques, une nécrologie qui rappelle le rayonnement international de son œuvre :

« Qu’on la juge comme on voudra, l'action littéraire de Jules Verne est la plus rayonnante, la plus universelle qu'on ait encore vue. La vogue d'Alexandre Dumas lui-même, le père, n'est pas comparable à la sienne.

Il laisse une centaine de volumes à gros succès et à gros tirages et les plus connus comme “Le Tour du Monde en 80 jours”, “De la Terre à la Lune”, et “Vingt Mille lieues sous les Mers” ont eu une destinée prodigieuse, traduits en toutes les langues : l'anglais, l'allemand, le russe, l'italien, l'espagnol et voire le chinois et le japonais. »

Le 27 avril enfin, le chroniqueur Gaëtan de Méaulne signe dans Le Figaro un billet personnel, intitulé « Le Capitaine Jules Verne », qui résume parfaitement ce que l'écrivain des Voyages extraordinaires a pu symboliser pour toute une génération, ainsi que l'énorme influence pédagogique qu'il eut de son vivant :

« Quand mourut l'autre mois, à Amiens, le grand inventeur de Chimères qui marqua nos âmes d'enfants d'une si profonde empreinte, les reporters se plurent à le représenter comme un écrivain laborieux et méthodique, grand abatteur de copies, créant de toutes pièces ses “Voyages Extraordinaires” dans le silence paisible de son cabinet, sans documentation personnelle.

Bon petit bourgeois, casanier, conseiller municipal de sa ville, il aurait vécu jusqu'à soixante-quinze ans sans curiosité, sans aventures, loin des cataclysmes cosmiques, à l'abri des tempêtes, et en fait de bouée de sauvetage n'aurait jamais connu que son rond de cuir ! […]

Leur Jules Verne n'est pas le vrai Jules Verne, le mien, celui de ma jeunesse, celui qui m'enseigna la géographie, l'astronomie, la navigation, la géologie, la balistique, qui m'apprit à me jouer de l'électricité et à me méfier des Anglais, le vieux loup de mer dont les récits m'apparaissent bien trop vivants pour ne pas avoir été vécus. »

Si Jules Verne est mort il y a plus d'un siècle, ses livres, fermement ancrés dans notre imaginaire, sont quant à eux bien partis pour devenir immortels. Ses récits de mondes incroyables n’ont jamais cessé de faire rêver les jeunes générations, tout comme les moins jeunes.

Notre sélection de livres

L'Ile mystérieuse
Jules Verne
Le Tour du monde en quatre-vingts jours
Jules Verne
Vingt mille lieues sous les mers
Jules Verne
Voyage au centre de la Terre
Jules Verne