Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une grande partie de la critique française s’accorde sur un point : le futur du cinéma s’écrit non pas à Hollywood ou dans les studios hexagonaux, mais de l’autre côté des Alpes, en Italie, où une nouvelle « école » cinématographique propose un renouvellement complet du medium. Son nom : le néoréalisme.

Cesare Zavattini, le scénariste de Vittorio De Sica, résumera ainsi l’ambition du mouvement :

« Il ne s’agit pas d’inventer une histoire qui ressemble à la réalité, mais de raconter la réalité comme si elle était une histoire. »

A l’origine de cet élan qui révolutionna l’histoire du cinéma, il y eut une poignée de réalisateurs – Luchino Visconti, Roberto Rossellini et De Sica, pour citer les plus connus – tous unis dans un double objectif. Dire la réalité de la société contemporaine au lendemain du conflit, et rompre avec les codes en vigueur dans le cinéma italien, marqué pendant deux décennies par l’emprise du fascisme et de sa propagande.

Le néoréalisme naît donc des décombres de la guerre. Si le genre eut ses précurseurs (le sulfureux Ossessione de Visconti en 1943 peut être considéré comme l’initiateur du mouvement), c’est véritablement en 1945 qu’il explose à la face du monde, avec le film Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini.

Tournée avec des moyens de fortune, cette chronique déchirante des années d’occupation allemande en Italie frappe par sa représentation sans artifice des douleurs de la guerre. Rome, ville ouverte sort en France en 1946. Georges Sadoul, grand critique de cinéma de l’après-guerre (il fut également surréaliste, communiste et résistant), est immédiatement dithyrambique. Celui sera l’un des plus assidus promoteurs du néoréalisme en France écrit en novembre dans Les Lettres françaises :

« Cette œuvre, réalisée presque sans argent et moyens, apporte plus au cinéma que deux cents films récents de Hollywood, malgré leurs acteurs illustres, leurs capitaux et leurs moyens techniques illimités [...].
Pourquoi ne pas le dire ? Notre cinéma, confronté avec le cinéma italien (qui plonge par toutes ses racines dans la réalité contemporaine, et qui ne se refuse à traiter aucun problème si douloureux, si scandaleux fût-il), apparaît pour une grande part comme un cinéma qui tend vers l'académisme et même le conformisme [...].
La vertu du cinéma italien c'est d'être au-delà du noir et du rose. Il porte cette robe couleur de temps qui est la plus belle parure des contes de fées, celle par laquelle on atteint aussi avec plus de sûreté la grande poésie. »