Interview

Michel Winock : Victor Hugo, « l'homme-siècle » par excellence

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Victor Hugo sur son lit de mort, Le Monde Illustré, mai 1885 - source : Gallica-BnF

Engagé dans les luttes politiques, sociales, esthétiques, Victor Hugo a marqué le XIXe siècle par une puissance de création et d'action sans égal. C'est ce que montre l'historien Michel Winock dans son récent ouvrage, Le Monde selon Victor Hugo.

Député, pair de France, de nouveau député, et finalement sénateur, Victor Hugo fut un artiste de génie mais aussi un acteur majeur de la vie politique française. Dans son ouvrage Le Monde selon Victor Hugo, Michel Winock s'est repenché sur l'œuvre gigantesque de cet « homme-siècle ».

Propos recueillis par Marina Bellot

RetroNews : Issu d’un milieu vendéen et bonapartiste, Victor Hugo est un enfant chéri par sa mère. Qu’est-ce qui, dans son enfance, s’est révélé par la suite fondateur pour l’homme qu’il est devenu ? Qu’a-t-il hérité de ses jeunes années ?

Michel Winock : Les parents de Victor Hugo s’entendaient mal. Sa mère défendait la cause monarchiste au moment où son mari était général d’Empire. Victor, comme ses frères, a été élevé par sa mère Sophie Trébuchet pendant que son père était au loin. Il en est résulté chez lui d’abord une adhésion à la cause de la Restauration. C’est plus tard, après la mort de sa mère, se rapprochant de Léopold Hugo, son géniteur, qu’il est devenu l’admirateur de Napoléon Bonaparte. De sorte que ses premiers poèmes sont très marqués par la ferveur catholique et royale jusqu’au moment où il écrit, en 1827, son ode « À la colonne de la place Vendôme », d’où l’on peut dater les débuts de son culte napoléonien.

Victor Hugo a tôt mené des combats d’avant-garde, notamment contre la peine de mort, mais il n’a pas tout de suite perçu les changements de son époque. Avant d’être le héraut des humbles, c'est un académicien, un notable de la Monarchie de Juillet… Qu’est-ce qui développe chez lui sa sensibilité sociale ?

Il y a un aspect bourgeois et conformiste dans les débuts publics d’Hugo et, dans le même temps, il est d’avant-garde. Son Dernier jour d’un condamné (1829), plaide pour l’abolition de la peine de mort, à une époque où celle-ci semble, comme Balzac le pense, une garantie d’ordre indispensable contre la criminalité. Voyez le temps qu’il faudra pour que la France en finisse avec la guillotine !

Il est aussi d’avant-garde en tant que chef de l’école romantique et la bataille d’Hernani en 1830, menée contre les classiques et les conservateurs. Mais, après la révolution de 1830, Hugo s’embourgeoise. Il se sent à l’aise sous ce régime de la Monarchie de Juillet, dont le ...

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