Interview

Le Vestiaire de la littérature, promenade dans la garde-robe des écrivains

L'écrivain dandy et auteur des « Mystères de Paris » Eugène Sue par François-Gabriel Lépaulle, 1837 - source : WikiCommons

À la fois frivole et savant, l'ouvrage Vestiaire de la littérature explore les multiples liens entre mode et littérature. De Balzac à Aragon, de Mallarmé à Cocteau en passant par Colette et George Sand, promenade dans la garde-robe littéraire des plus grands écrivains. 

C'est un petit ouvrage volontairement décousu, à la fois savant et frivole. Dans leur Vestiaire de la littérature, deux professeurs de littérature française, Denis Reynaud et Martine Boyer-Weinmann, se sont penchés sur la garde-robe littéraire des plus grands écrivains français. Une promenade qui permet de prendre la mesure de l'importance du vêtement dans la littérature mais aussi dans la société, qu'il soit instrument de contrôle du corps, marqueur social, symbole subversif ou encore outil de revendications politiques. 

Propos recueillis par Marina Bellot

RetroNews : Comment vous est venue l'idée de ce livre ?  

Martine Boyer-Weinmann : Le point de départ a été un séminaire que nous avons effectué à deux, en 2017, devant un public universitaire large, autour de la littérature et du vêtement dans une perspective transéculaire et à la croisée de plusieurs disciplines.

Devant le succès de ce séminaire et l’intérêt qu’offre cet objet, est venue la question : pourquoi ne pas le transformer en un ouvrage – sachant que le champ est déjà très travaillé, que ce soit du côté de l’histoire (Georges Vigarello et la silhouette corporelle, Michel Pastoureau et le rôle des couleurs, Nicole Pellegrin pour les vêtements de l’Ancien Régime…), de l’ethnologie, de l’anthropologie (les fashion studies en plein essor depuis les années 2000 dans les pays anglo-saxons) ou encore de la sémiologie (le fameux Système de la mode de Barthes)… La revue universitaire Modes pratiques (revue d’histoire du vêtement et de la mode) en est le symptôme, à laquelle nous allons être prochainement associés pour un numéro sur les affects.

Il nous semblait en effet que la littérature et la presse restaient assez souvent instrumentalisées ou considérées comme de purs supports documentaires (ce qu’elles sont aussi) dans ces perspectives, alors qu’elles sont un lieu encore à explorer dans un souci de mises en relation originales, peut-être plus déroutantes. D’où la question de la forme à donner à ce matériau culturel de la sensibilité avec des textes qui jouent sur les émotions singulières et collectives. Nous ne nous sommes donc pas restreints aux textes les plus attendus et, par ailleurs, et avons essayé de trouver une forme ou mode d’emploi qui ne relève ni du dictionnaire, ni de l’anthologie ni du recueil de textes, mais plutôt de la promenade dans la bibliothèque/armoire à vêtements.

C’est un livre frivole et savant, qui s’adresse à un public plus vaste qu’un public de chercheurs : savant par le travail documentaire et la circulation interdisciplinaire mais aussi frivole – je citerai Paul Valéry : « ce qu’il y a de plus profond, c’est la peau », et Cocteau, qui s’est tant intéressé à la mode : « la frivolité est la plus jolie réponse à l’angoisse ». 

En 1753, dans sa comédie de La Frivolité, Louis de Boissy invente le verbe frivoliser. (« Ne pensez donc qu’à l’agréable, / Et ne faites, je cherche un terme favorable, / Ne faites que frivoliser, / Si de ce mot il m’est permis d’user ») Le terme de frivolité a trait à la mode puisque Littré rappelle qu’une frivolité est une fanfreluche ou un feston ajouté sur un vêtement. La frivolité peut dire beaucoup d’une société, d’un individu, d’une éc...

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