Interview

Vers la reconnaissance du 7e art : le cinéma des années 1920

L'actrice Louise Brooks en Une de la Critique Cinématographique, 1929 - source : RetroNews-BnF

Dans les années 1920, le cinéma devient un divertissement de masse. Envahissant les journaux et les imaginaires français, il cherche à s’émanciper du théâtre pour gagner sa reconnaissance d’art à part entière. Décryptage avec Myriam Juan, spécialiste de l’histoire culturelle du cinéma.

RetroNews : Rétrospectivement, les années 1920 apparaissent comme l’âge d’or du cinéma muet. Mais quelle perception ont les contemporains de ce cinéma qui occupe une place de plus en plus importante ?

Myriam Juan : Il est vrai que la décennie toute entière correspond en France à celle du cinéma muet. Le Chanteur de jazz, qui est considéré comme le premier film parlant – à tort, parce que d’autres films, avant lui, ont intégré une sonorisation –, sorti aux États-Unis en 1927, arrive en France fin 1929. Et la diffusion du parlant est assez lente : il faut équiper les studios – de ce fait, les tous premiers films parlants français sont tournés à l’étranger – et surtout les salles.

Évidemment, personne, dans les années 1920, n’imaginait la fin du cinéma muet et son remplacement par le parlant, qui donne cette impression rétrospective d’un âge d’or. Bien au contraire, ce qui domine dans le discours sur le cinéma à l’époque, c’est l’idée du progrès. Même pour les cinéphiles, le cinéma est un art qui continue de se perfectionner, et ce d’autant plus qu’il évolue constamment au niveau technique. Il est une incarnation de la modernité, qui saisit l’air du temps et façonne les imaginaires.

Ce discours est-il nouveau dans les années 1920 ?

Le discours cinéphile commence à se développer dans la seconde moitié des années 1910. Forfaiture, de Cecil B. DeMille, qui sort en France en 1916, a marqué à ce titre une étape essentielle, convertissant au cinéma tout un groupe de jeunes gens qui cherchent alors à obtenir sa reconnaissance en tant qu’art. Car le cinéma est perçu avant tout comme un loisir populaire et suscite le mépris des intellectuels. Il touche en réalité un large spectre social – des ouvriers aux classes moyennes, qu’il s’agisse d’employés, de petits commerçants, d’artisans, et aussi une partie de la bourgeoisie. Cette image de loisir populaire se retrouve dans le discours des surréalistes, par exemple sous la plume d’un Robert Desnos, et nourrit leur engouemen...

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