Interview

Histoire de Ségurant, le chevalier arthurien oublié

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Portrait de Ségurant, Armorial de la Table ronde, fin XVe siècle, folio 5 verso - source : Gallica-BnF

Personnage jusqu’alors inconnu de la mythologie arthurienne, le mystérieux Ségurant  pourchasse vaille que vaille le dragon introuvable invoqué par la fée Morgane. Conversation avec Emanuele Arioli, l’historien qui a redécouvert cette figure discrète de la littérature médiévale.

Emanuele Arioli est un universitaire heureux. Il a en effet redécouvert un chevalier arthurien oublié, Ségurant. Dans le petit monde de la recherche médiévale, voilà une chance rare. Des textes narrant les exploits de ce Ségurant, il a tiré non seulement une traduction en français contemporain, mais aussi une bande dessinée, un livre pour enfants et un documentaire diffusé sur la chaîne ARTE. Retour sur une quête devenue un phénomène éditorial.

Propos recueilli par William Blanc

Retronews : Racontez-nous votre découverte de Ségurant, le chevalier au dragon ?

Emanuele Arioli : Je suis arrivé à Paris en 2010. Je m’intéressais à l’époque aux manuscrits français écrits en Italie. J’ai commencé à étudier Les Prophéties de Merlin, œuvre arthurienne du XIIIe siècle composée en français en Italie. Je travaille alors notamment sur un manuscrit du XVe siècle conservé à la bibliothèque de l’Arsenal, à Paris. Quand je le consulte, je vois qu’il ne contient pas seulement les Prophéties, mais aussi un texte narrant les aventures de Ségurant, le chevalier au dragon. Manque de chance, ce manuscrit s’interrompt au milieu d’une phrase et je me rends bien compte que cette histoire est incomplète parce que certains fils narratifs ne sont pas achevés.

Comment faire alors pour trouver la suite ? 

Je suis parti en quête d’autres manuscrits pouvant contenir le reste de l’histoire, ou bien des versions différentes des mêmes épisodes. Au bout d’une recherche complexe qui a duré plusieurs années, j’en ai retenu 28 conservant les aventures de Ségurant.

Ce sont des objets très différents. Certains manuscrits comportent plusieurs épisodes, certains seulement quelques fragments, d’autres sont même en partie brûlés ou réduits à l’état de feuilles volantes. Les plus anciens remontent au XIIIe siècle, les plus récents datent du XVe siècle. Avec tout cela, j’ai reconstitué toutes les versions existantes des aventures de Ségurant, un véritable ensemble romanesque. J’ai pu établir que la version la plus ancienne que j’ai appelée « cardinale » a été écrite en Italie en français entre 1240 et 1273. D’autres, que j’ai nommées « complémentaires » et « alternatives », ont complété l’histoire ou l’ont réécrite. Je n’ai néanmoins jamais trouvé un récit médiéval décrivant le désensorcellement de Ségurant par le Graal, pourtant annoncé plusieurs fois par le narrateur.

Une fois tout ce travail accompli, j’ai publié une édition critique complète et un essai analytique en 2019 chez Champion, en trois tomes, que j’ai fait suivre il y a quelques mois d’une traduction en français moderne aux Belles Lettres, directement accessible au grand public.

Vos recherches n’ont pas dû ê...

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