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Interview

La fin des temps selon François Angelier : aux sources de l’exposition « Apocalypse »

Mardi 4 février s’ouvrait à la BnF-François Mitterrand l’exposition «  Apocalypse. Hier et demain ». François Angelier, journaliste, essayiste, fondateur de l’émission culte Mauvais Genres sur France Culture et co-commissaire de l’exposition, revient sur la manière dont ce thème fut pensé pour l’occasion.

ApocalypseMoyen ÂgeCinémaFritz Langexpressionnismelittérature
FA

Avec

François Angelier

Propos recueillis par

Alexandre Janvier

Publié le

6 février 2025

et modifié le 21 mai 2025

Image de couverture

"La Grande prostituée de Babylone", gravure d'Albrecht Dürer issue de "L'Apocalypse", circa 1496 - source : Gallica-BnF

RetroNews

Lorsqu’on se penche sur la question de l’Apocalypse, on comprend que ce mot n’est pas totalement synonyme de « fin du monde ». Ce terme recoupe en effet la notion de « révélation » et de « dévoilement », pas tout à fait synonyme donc de fin des temps...

François Angelier

Il y a une définition première qui vient du terme grec apokálupsis qui est de soulever le voile – ce qui opacifie les choses… Ce qui comptait dans ce qu’on appelle l’ère théologique où l’apocalypse était vraiment utilisée sur un plan religieux, c’était une sorte de grande « mise à nu » qui aboutissait à l’avènement de la sortie de l’histoire, à la sortie de l’histoire et du temps, à la sortie du temps et de l’espace. L’homme sortait de l’histoire puisque l’histoire était considérée comme le fruit de la Chute et du péché originel, l’apocalypse était la sortie de l’espace et du temps pour accéder à l’éternité et celle de la « Jérusalem céleste » succédant à la Jérusalem terrestre.

Après, il y a eu une laïcisation qui est due à l’évolution historique de la culture européenne où l’on est passé de l’âge théologique à l’âge « esthetiquo-historique » où l’apocalypse est devenue le symbole d’une part de la catastrophe, c’est-à-dire qu’on a exclu la Révélation et l’avènement de la cité céleste pour ne garder que les ruines de la cité terrestre.

Il est très intéressant de voir l’évolution sémantique du mot depuis sa rédaction à la fin du premier siècle après J.-C. jusqu’à aujourd’hui. Aujourd’hui « apocalypse », c’est tout ce qui est, je dirais catastrophes de grands formats, étant donné que Dieu est mort, qu’on n’attend plus rien de personne. Aujourd’hui l’apocalypse, c’est toute forme de catastrophe.

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Vous êtes commissaire de cette exposition, mais également journaliste, essayiste et romancier ; quel est votre rapport à l’eschatologie dans vos pratiques d’écriture ?

Je travaille maintenant depuis plus de 30 ans sur les intellectuels catholiques français, c’est-à-dire une lignée spirituelle qui va des lendemains de la Révolution – grosso modo, Joseph de Maistre et Chateaubriand – jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec des gens comme Louis Massignon et autres qui sont pour la plupart de grande lignée : Barbey d’Aurevilly, Léon Bloy, Bernanos.

Ce sont des gens qui ont été hantés, obsédés par la fin des temps et l’avènement d’une « justice divine » qui viendrait défaire la société de leur temps : le monde bourgeois, postrévolutionnaire, nouvellement industrialisé, la guerre technologique, etc., qui étaient pour eux autant de signes fatidiques.

Auparavant, j’ai travaillé sur Bernanos qui a beaucoup réfléchi à cette notion de justice divine, pensant qu’elle interviendrait de manière discrète mais définitive à l’effondrement des gloires terrestres. J’ai également travaillé sur Léon Bloy, qui passait lui son temps à attendre l’apocalypse et qui repérait dans l’actualité les signes de la fin des temps.

C’est donc un sujet que je connais bien et je m’intéresse par ailleurs en tant que producteur de l’émission Mauvais Genres à tout ce qui est cinéma et fin des temps, cinéma et prophétisme, c’est-à-dire évidemment Lars von Trier, Fritz Lang ou David Lynch, qui était également une sorte de cinéaste apocalyptique.

Comment avez-vous établi la sélection des œuvres avec les autres commissaires de l’exposition ?

Je me suis occupé de la bande dessinée et du cinéma, les autres commissaires étant évidemment hautement spécialisés dans leurs thèmes respectifs. L’idée était de mettre d’abord à jour une liste allant quasiment de la naissance du cinéma jusqu’à aujourd’hui de films apocalyptiques, le cinéma ayant traité les trois dimensions de la culture apocalyptique.

L’angoisse apocalyptique millénariste tout d’abord, c’est-à-dire avant l’événement : les prophètes, les voyants, les gens là pour signaler que quelque chose est en marche qui va submerger la terre… Le récent film de Jeff Nichols Take Shelter en est le meilleur exemple. Puis les gens comprenant que la terre court à sa perte et qui se préparent. Le film d’Abel Ferrara 4 h 44, dernier jour sur terre, notamment.

Après les films dit apocalyptiques au sens strict existe depuis les premières bobines : c’est le thème du « film catastrophe ». On peut dire que le premier film catastrophe de l’histoire du cinéma, c’est l’Eruption du Mont. Pelée de Georges Méliès en 1902, qui tente de reconstituer, avec les moyens qui étaient les siens à l’époque, la terrible éruption de la Montagne Pelée. C’est historiquement le premier film catastrophe, c’est-à-dire la tentative de reconstitution avec les moyens du cinéma d’un événement catastrophique et totalement dévastateur.

A partir de là, on va jusqu’à aujourd’hui avec les moyens qui sont les nôtres, jusqu’aux blockbusters de Roland Emmerich, qui d’ailleurs, avait fait son film d’étudiant sur l’Arche de Noé. Et entre temps, il y a tous les films possibles que nous montrons dans l’exposition : Déluge de Félix Feist, film des années 1930 qui montre une sorte de tsunami qui dévaste New York grâce à des maquettes. Pour l’époque, c’est formidable. Il y a aussi le film de Van Dyke San Francisco avec Clark Gable, qui tente de reproduire le tremblement de terre de San Francisco, en passant par tous ces films catastrophes qui sont apocalyptiques « par accroc », comme le récent Cloverfield.

Et qu’en est-il des célèbres films dits « post-apocalyptiques » ?

Alors, le post-apocalyptique étant devenu une culture populaire planétaire qui touche tous les secteurs (bandes dessinées, mangas, comics, romans, cycles romanesques à n’en plus finir, séries comme Walking Dead, etc.), c’est la question du « survivant » qui apparaît déjà dans le cinéma des années 1950-60 avec le texte de Richard Matheson Je suis une légende, adapté quatre fois au cinéma – première version avec Vincent Price assez impressionnante, Le Dernier homme…

Ensuite, il y a « les après », ces films de communautés survivantes, et ça, c’est une culture qui est écrasante même si cela se calme un peu aujourd’hui. Il a donc fallu choisir là-dedans. C’est immense, et ça part des gravures de Dürer [voir l'image d'ouverture, NDLR] puis avec ceux qui ont été des « Dürer du XXe siècle », c’est-à-dire les réalisateurs Murnau ou Fritz Lang. Vous avez à côté des représentations du cycle apocalyptique de Dürer les quatre cavaliers vus par Murnau dans Faust, une image sublime et de l’autre côté, la Grande prostituée de Babylone selon Fritz Lang dans Metropolis en 1927.

On verra une survivance des thèmes apocalyptiques énoncés dans le cinéma expressionniste allemand de l’entre-deux-guerres. Dans l’expo, on trouve ainsi un extrait du Septième Sceau de Bergman, où est faite, je dirais, une lecture familiale de l’apocalypse. On ouvre la Bible et on la lit. Là, on est dans un monde protestant, réformé, luthérien. On est certes au Moyen Âge avant même la Réforme mais c’est déjà un geste d’accès direct à la parole divine. Le Septième Sceau est selon moi le grand film apocalyptique millénariste ; il se passe au moment de la grande peste qui a dévasté l’Europe et l’on voit des tentatives d’exorcismes ou des groupes de flagellants traversant campagnes et villes en se fouettant, portant des croix pour expier et tenter de conjurer l’épidémie, etc.

Peut-on revenir sur ce que vous appelez cette « laïcisation de l’imaginaire apocalyptique centré désormais sur le seul spectacle de la catastrophe » ?

Effectivement, les catastrophes ne sont le signe de rien, elles sont aujourd’hui expliquées par des données strictement scientifiques, mais elles ne font signe vers rien d’autre qu’elles-mêmes. Il y a une totale laïcisation : l’incendie d’une forêt ou la naissance d’un veau à deux têtes n’est que la naissance d’un veau à deux têtes. Il n’y a plus ce référentiel eschatologique. Alors, dans certaines communautés religieuses, c’est encore le cas, ou encore dans le pouvoir politique qui peut agiter quelques grelots pour raison de propagande, mais fondamentalement depuis le XVIIIe cette vision se réduit.

Le premier élément à avoir été lu de cette manière, c’est sûrement le tremblement de terre de Lisbonne qui a vu s’affronter Voltaire et les jésuites. Voltaire a produit une vision critique et philosophique de l’événement alors qu’en face, évidemment, les jésuites se sont orientés vers l’explication théologique et religieuse, c’est-à-dire que Lisbonne paye pour ses crimes.

Qu’en est-il de l’image de l’apocalypse dans les écrits journalistiques et comment peindre la fin du monde dans les médias quand celle-ci n’a finalement pas eu lieu ?

J’avais vu dans RetroNews «  Paris détruit » dans les années 1920-30, ce qui était intéressant, car on tentait de représenter la ville après la catastrophe. Mais le schéma classique, c’est de réquisitionner l’apocalypse et la fin des temps pour certaines catastrophes. Tout dépend de l’époque de cette presse […] mais y a-t-il une sorte de réflexion spécifiquement apocalyptique dans la presse ? Je ne sais pas. Il y a des événements.

Même si vous regardez la presse religieuse, par exemple la manière dont La Croix a rendu compte de l’incendie du bazar de la charité : c’est la punition divine, le sacrifice, le meilleur de la société, la haute société s’offre dans le brasier pour les pêchés, c’est vraiment événementiel.

Quelle vision avez-vous voulu donner à l’exposition ? Celle de la déchéance du monde contemporain ou plutôt celle d’une « renaissance » comme le montre la place laissée au « jour d’après » ?

On a voulu éviter d’être plus royaliste que le roi, c’est-à-dire d’être plus apocalyptique que l’apocalypse, il y a donc une sorte de distance, d’austérité sacrale presque, avec une fusion entre les mots du texte et les œuvres inspirées par le texte. L’idée n’est pas que le visiteur sorte de l’exposition totalement écrasé. On prend acte de l’histoire européenne du Moyen Âge où l’apocalypse a d’abord été considérée comme vécue, après où elle a servi de symbole et puis ensuite, comment on tente justement de sortir de cette culture catastrophiste, qui est surtout un réflexe.

Cette partie « Le jour d’après » ne tente pas d’écraser par une vision finale de ruines, de gravats, de cendres avec un horizon bouché. Le spectacle est assez tragique, mais selon moi il y a une sorte de lumière qui rayonne de tout ça.

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François Angelier est journaliste, essayiste et romancier, producteur de l’émission « Mauvais Genres » sur France Culture. Il a récemment publié Georges Bernanos : la colère et la grâce aux Editions du Seuil en 2021.

Mots-clés

ApocalypseMoyen ÂgeCinémaFritz Langexpressionnismelittérature
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Ecrit par

Alexandre Janvier
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