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François Villon, poète médiéval et héros du XXe siècle

François Villon, poète parisien du XVe siècle, a connu une immense gloire posthume à partir du XIXe siècle. Mais il est aussi devenu une figure politique dont s’est réclamé la gauche en France… et ailleurs.

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William Blanc

Ecrit par

William Blanc

Publié le

19 août 2025

et modifié le 19 août 2025

Image de couverture

Affiche en faveur du film "Le Roi des gueux", 1938 - source : WikiCommons

François Villon, poète parisien du XVe siècle, a connu une immense gloire posthume à partir du XIXe siècle. Mais il est aussi devenu une figure politique dont s’est réclamé la gauche en France… et ailleurs.

François Villon fascine très tôt. Disparu en 1463 après avoir échappé de peu à la corde pour une sombre histoire de meurtre, le poète devient le protagoniste de textes comme Les Repues franches qui le transforme en un escroc digne du héros éponyme du Roman de Renard du XIIIe siècle.

Redécouvert au XIXe siècle, notamment par des romantiques comme Théophile Gautier, est d’abord associé à l’imagerie criminogène et angoissante des grandes villes du Moyen Âge, comme c’est le cas le 23 avril 1899 en page de Une de l’hebdomadaire La Vie Quotidienne (voir ci-dessous) où le Paris de François Villon est représenté comme une métropole sombre, tortueuse et sale. À l’inverse, d’autres voient en lui un poète proche du peuple qui annoncerait une nation française en train de s’éveiller au sortir de la guerre de Cent Ans. Dans l’album qu’il consacre en 1905 à Louis XI, l’illustrateur Job fait ainsi de Villon un quasi-double du roi Valois. Il y montre un souverain partisan des masses laborieuses n’hésitant pas à affronter les grands aristocrates, et un Villon dont la poésie s’oppose aux vers ampoulés des auteurs nobles. Le dessin que Job lui consacre rappelle certes de prime abord celui en une de La Vie Quotidienne et dépeint une ville médiévale toujours dangereuse et sombre. 

Mais cette première impression négative est contrebalancée par le rayon de lune qui éclaire Villon en train d’écrire ses vers au milieu des malandrins. Baigné dans la lumière, le poète annonce, comme Louis XI favorisant l’imprimerie qu’évoque Job deux pages plus tôt, une France sortant peu à peu des ténèbres du Moyen Âge grâce aux arts et aux lettres.

Dans cet esprit, Villon est pensé comme un jalon essentiel dans la constitution des lettres françaises et d’une culture savante nationale promue par les élites. « Villon, notre premier poète français » s’exclame ainsi L’Action le 30 juillet 1914, dans un article consacré à la remise du prix Gobert par l’Académie française au chartiste Pierre Champion pour sa biographie du poète médiéval.

Mais, dépassant cette vision collant parfaitement au roman national qui se forge depuis la fondation de la IIIe République, les plus radicaux n’hésitent pas à faire de Villon un des leurs. En octobre 1887, on peut ainsi lire dans Le Cri du Peuple :

« [Nous convoquons] tous les membres à une réunion générale qui aura lieu le lundi 10 octobre 1887, au cours de laquelle il sera délibéré sur l’appellation du “Groupe François Villon” proposé en la séance précitée, considérant, personnellement, que cette appellation symbolise exactement les aspirations communes. »

Quelques années plus tard, c’est au tour des anarchistes du Libertaire de consacrer dans leur rubrique « Les libres d’autrefois » plusieurs articles à Villon, suivis de certaines de ses compositions. Pour eux le poète du XVe siècle annonce toujours le génie du peuple français, mais qui aurait été mis en cage par le classicisme des élites du XVIIe siècle, comme on peut le lire dans l’édition du 24 décembre 1899 : 

« Son style, en apparence plus difficile à comprendre que celui de Charles d’Orléans, est plus vrai, plus français. C’est le français du peuple, le français de la rue et de la Halle, si vous voulez.

Mais de cet étrange berceau sort notre poésie moderne ; d’autres viendront qui feront de cette fille du peuple, la muse charmante et sévère du dix-septième siècle. »

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On retrouve de pareils propos chez les socialistes puis les communistes. Du 11 septembre au 23 octobre 1919, L’Humanité publie ainsi un feuilleton intitulé «  Maître François » consacré, comme l’annonce le quotidien en Une le 11 septembre, à « la vie aventureuse et invraisemblable du bon François Villon, poète et révolté ». C’est toujours la figure de l’homme bousculant l’ordre établi qui est mis en avant lorsque le quotidien communiste propose à ses lecteurs d’acheter ses œuvres en 1937, affirmant que le poète, issu « d’une petite rue pauvre de Paris » a fini par « mener une existence de révolté du siècle ».

Il devient même une incarnation de la culture populaire française, associé à l’imagerie révolutionnaire. Preuve en est qu’on peut lire dans les pages de L’Humanité du 20 août 1939 l’annonce d’un spectacle intitulé «  Sur les ailes de la chanson française » présenté par « François Villon, Fanfan-la-Tulipe, Gavroche, Mimi-Pinson et la Midinette », réclame accompagnée par une image où l’on voit, sur la gauche, la poète médiéval, portant une guitare sur l’épaule, aux côtés des autres personnages cités, mais aussi en arrière-plan une foule vêtue comme des sans-culottes de 1789.

Sur cette composition, Villon n’est plus associé à Louis XI, mais au peuple moderne et à ses luttes dont il apparaît comme l’annonciateur. Sa révolte solitaire au XVe siècle s’est muée en mouvement de masse, de la prise de la Bastille aux barricades du premier XIXe siècle où s’illustre Gavroche. Le poète n’est pareillement plus dépeint comme le grand ancêtre d’une littérature savante réservée, mais comme le premier jalon d’une culture populaire chantée (lui qui, dans la réalité, n’a jamais composé le moindre morceau de musique) qu’incarnent des héros comme Fanfan le Tulipe, créé par le chansonnier Émile Debraux (1796-1831) ou Mimi-Pinson, inventée par Alfred de Musset.

C’est ce Villon chantre des masses que continuent de célébrer les cercles littéraires proches du PCF après-guerre : «  Né peuple, il l’est resté » affirme ainsi dans Les Lettres françaises du 11 juillet 1947 Francis Carco, auteur fasciné par les « mauvais garçons » parisiens et qui avait déjà consacré en 1926 une biographie à Villon.

La figure du Villon révolté ne se diffuse pas seulement en France, mais aussi dans les pays anglo-saxons, notamment en Amérique, où l’on a tôt d’imaginer en lui un combattant du peuple faisant face aux souverains et aux aristocrates. Tirée de la pièce de théâtre puis du roman If I Were King (1901) de l’auteur irlandais Justin Huntly McCarthy (lui-même proche de cercles progressistes modérés), une opérette lui est consacrée à Broadway en 1925, The Vagabond King.

Sensiblement au même moment, à partir de 1914, il devient le sujet de très nombreux films produits outre-Atlantique : L’Étrange Aventure du vagabond poète (The Beloved Rogue) sort ainsi en 1927. En 1930, Le Vagabond roi, inspiré directement du spectacle de Broadway, est diffusé sur les écrans, avant Le Roi des gueux huit ans plus tard. 

<a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vagabond_King_lobby_card.jpg" target="_blank">Affiche en faveur du film "The Vagabond King", 1930 - source : WikiCommons</a>

Affiche en faveur du film "The Vagabond King", 1930 - source : WikiCommons

Parce que la plupart de ces œuvres de fiction ont plus ou moins pour source le roman de McCarthy, Villon y est presque représenté sous les traits du chef d’une bande de brigands vivant librement aux marges de la société, portrait rappelant fortement la manière dont les Américains imaginent alors le Robin des Bois parisien. Le poète se mue même parfois en un quasi-démocrate avant l’heure qui s’oppose puis s’allie à Louis XI contre le duc de Bourgogne, exactement comme l’archer de Sherwood sert Richard Cœur de Lion contre le Prince Jean. 

Paris-soir ne s’y trompe d’ailleurs pas lorsqu’il publie le 16 août 1930 une publicité pour Le Vagabond roi montrant Villon levant le poing tandis que sur une affiche du film il porte des habits verts ressemblant fortement à ceux de Robin des Bois.

Le parallèle avec le voleur de Sherwood est tout aussi assumé dans Le Roi des Gueux, comme le repère bien un journaliste d’Excelsior le 25 février 1939 pour qui ce Villon-là « poète et bandit, tient à la fois de d’Artagnan et de Robin des Bois » alors qu’une publicité publiée dans Le Journal du 22 février 1939 montre à nouveau le poète parisien vêtu comme le célèbre archer devenu populaire en France grâce à plusieurs films – dont celui de Michael Curtiz (avec Errol Flynn dans le rôle-titre) sorti la même année.

Face à cette profusion de longs-métrages américains, les réactions en France sont partagées. Une partie de la presse de gauche adore, alors que celle de droite abhorre. Le Midi Socialiste publie le 8 juin 1939 une critique dithyrambique du Roi des Gueux, alors que Le Libertaire, moins disert, approuve les scènes d’émeutes du film :

« Ce film s’il n’est pas d’un grand intérêt, comporte cependant des mouvements de foule bien venus.

Le pillage des greniers du Roy, par la truandaille de la Cour des Miracles, est des plus réussis. Heureux temps des Coquillards. » 

De son côté dans son édition du 3 mars 1939, Je suis partout se scandalise du fait que Villon soit dépeint sous les traits d’un républicain avant l’heure. Pour le rédacteur de ce journal proche des courants fascistes, ce portait du poète parisien serait une simple œuvre de propagande pour les régimes démocratiques :

« Maître François, grand justicier et grand général du royaume. Il se révèle aussitôt démocrate convaincu. Il fait ouvrir les prisons et distribuer des ducats aux tire-laine élargis. Louis XI et ses courtisans se gobergeaient pendant que le peuple parisien mourait de faim […]. 

L’armée refusant de combattre, [Villon] arme les truands, il se rue sur les Bourguignons, les taille en pièces, sauve Paris et la France. […] 

On voit que la puissante démocratie-sœur fait bien les choses quand elle s’attaque à notre histoire. »

Mais il arrive aussi que la presse de gauche se montre très critique vis-à-vis du Roi des Gueux. Regards, proche du PCF, affirme ainsi que le scénariste du film « était visiblement atteint de démence précoce ». Cette opposition doit se comprendre dans le cadre plus large qui voit une large partie du spectre politique français s’inquiéter du succès grandissant du cinéma américain, notamment lorsqu’il traite de l’histoire de France. Déjà, dans les années 1920, Le Miracle des Loups constituait une réponse aux grandes productions hollywoodiennes, notamment au Robin des Bois de Douglas Fairbanks.

Converti à ce patriotisme culturel tout comme au même moment il s’est converti au roman national, le PCF appelle donc de ses vœux un film français consacré à Villon. Écrit par Pierre Mac Orlan (lui-même grand admirateur du poète médiéval) et mis en scène par André Zwoboda, celui-ci voit le jour juste après guerre avec un Serge Reggiani âgé de 23 ans dans le rôle titre. Adhérant totalement au projet, la rédaction de Regards consacre le 15 mars 1945 un reportage photo au tournage du film.

Quelques mois plus tard, l’hebdomadaire livre une critique très positive du film en affirmant que, poussé par « un souci de la vérité dans la reconstitution historique, auquel il faut leur rendre hommage, Zwoboda et Mac Orlan font revivre pour nous la dernière partie de la vie de Villon ». Mais en montrant Villon comme une victime du « Milieu », le long-métrage brode tout autant que les productions américaines avant-guerre. Comme au temps du Miracle des loups, il s’agit surtout d’affirmer que les films historiques médiévalistes français seraient supérieurs à ceux d’Hollywood parce que plus « réalistes ».

La mobilisation dans le combat culturel contre les États-Unis sera de brève durée, d’autant qu’outre-Atlantique le Septième art se désintéresse peu à peu de Villon, à part dans le cas d’un remake de The Vagabond King en 1956 mis en scène, ce n’est pas un hasard, par Michael Curtiz. À partir des années 1950, c’est désormais la chanson populaire et contestataire qui s’empare de la figure du poète du XVe siècle. Georges Brassens, proche du mouvement anarchiste, interprète ainsi sa « Ballade des dames du temps jadis », comme on peut le voir dans cette émission datée de 1964. Léo Ferré, lui-même libertaire, mais aussi Serge Reggiani en France, adaptent ses vers et l’évoquent dans leurs propres compositions. Ailleurs dans le monde, il inspire des chanteurs comme Fabrizio De André ou Bob Dylan, qui le cite dans The Times They Are a-Changin' (1964), album qui devient vite un symbole du mouvement des droits civiques.

Pour en savoir plus

Céline Cecchetto, « La chanson contemporaine, “foutrement moyenâgeuse” ? » in : Fantasmagories du Moyen Âge : Entre médiéval et moyen-âgeux, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2010

Jacqueline Cerquiglini-Toulet (éd.), Laëtitia Tabard (éd.), François Villon. Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 2014

Jean Dérens (dir.), Jean Dufournet (dir.), Michael John Freeman (dir.), Villon et ses lecteurs, Paris, Champion, 2005

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Ecrit par

William Blanc

William Blanc est historien, spécialiste du Moyen Âge et de ses réutilisations politiques. Il est notamment l'auteur de Le Roi Arthur, un mythe contemporain (2016), et de Super-héros, une histoire politique (2018), ouvrages publiés aux éditions Libertalia.

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