Chronique

Une utopie devenue cauchemar dans les îles Galapagos

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Les aventuriers européens venus chercher le paradis terrestre aux Galapagos, Paris-Soir, 1934 – source : RetroNews-BnF

En 1932, un couple d’Allemands décide de quitter l’Europe et la « civilisation ». Rejoints par d’autres cherchant comme eux à « revenir à l’état de nature », leur robinsonnade tourne au drame, commenté en direct par la presse française – et Georges Simenon.

« L’envie d’ailleurs » : la presse des années trente alimente un état d’esprit et nourrit les imaginaires français et européens. Voyager certes ou peut-être « tout quitter » pour revenir à l’état de nature dans un contexte de montée des tensions sur le Vieux Continent.

Si quelques-uns vont tenter la folle aventure, beaucoup vont en rêver en lisant une presse qui alimente largement cette mythologie du lointain. Et lorsque à cette dimension s’ajoute intrigues et fait divers, l’affaire accroche le lecteur.

Ce sera le cas des pérégrinations tumultueuses de quelques Allemands et Autrichiens dans îles Galapagos, avec un parfum d’épais mystères à la clé. Nous sommes au début des années trente. Tout se joue dans l’une des îles de l’archipel équatorien, la petite Floreana, 173 km2, avec aujourd’hui seulement 170 habitants mais devenue une incontournable étape touristique avec l’accostage régulier de bateaux de croisière.

Deux familles allemandes, premiers habitants de l’île de Floreana

En 1929, l’île est déserte. Elle est repérée par Friedrich Ritter, un jeune dentiste allemand originaire de Loerrach (Bade) qui officie dans un quartier ouvrier de Berlin. Soucieux de fuir la « civilisation », il est végétarien, naturiste et amateur de robinsonnades. Son projet : vivre sur une île déserte pour retrouver une vie saine au contact de la nature.

Les Galapagos apparaissent comme le lieu idéal. Mais il ne partira pas seul : Ritter parvient à convaincre Dora Koervin, l’une de ses patientes devenue sa maîtresse, de quitter leurs vies respectives pour tenter l’aventure. Ainsi le couple parvient en 1929 à se faire acheminer sur l’île volcanique de Floreana.

Seuls au monde, ils goûtent pendant plusieurs mois à cette vie à la Robinson Crusoe. L’expérience quelque peu originale est relatée par la presse, qui en rend compte pour son caractère insolite. Ainsi dans Le Quotidien, le 3 mai 1932, un petit article titré « Un robinson marié habite une île déserte » exalte la liberté du couple allemand :

 « Après s’être installés provisoirement dans une hutte bâtie de leur propres main, ils se sont construit une jolie maison entourée de palissades.

En compagnie de deux singes apprivoisés, ils vivent heureux se nourrissant de pommes de terre, de bananes, d’oranges et de jus de canne à sucre […] le docteur et madame ne souh...

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