Interview

Après le naufrage : naissance et vie des mythes du Titanic

le par

Photo du paquebot le Titanic, Agence Meurisse, 1912 – source : Gallica-BnF

Tout a été dit au sujet de la plus célèbre catastrophe maritime du XXe siècle, symbole intercontinental d’une Belle Époque finissante. L’historien Antoine Resche revient sur les nombreuses – et souvent fausses – rumeurs propagées par la culture populaire au sujet du paquebot et de son souvenir.

Antoine Resche, docteur en histoire contemporaine de l’université de Nantes, vulgarise l’histoire et ses méthodes sur la chaîne YouTube Histony et le blog Veni Vidi Sensi. Sa thèse, consacrée à l’exploitation de la ligne de l’Atlantique Nord par trois compagnies maritimes aux XIXe et XXe siècles, a été soutenue en 2016 et publiée en 2021 par les Presses universitaires de Nouvelle-Aquitaine. Président de l’Association française du Titanic, il publie le 10 mai prochain chez ce même éditeur un ouvrage consacré au mythique paquebot.

Propos recueillis par Benoît Collas

–  

RetroNews : Que représente le Titanic à sa construction et son voyage inaugural ?

Antoine Resche : Ce qui est particulier avec le Titanic, c’est que nous avons deux façons de le percevoir, selon qu’on se place avant ou après le naufrage car ce dernier lui donne un caractère exceptionnel qu’il n’avait pas à sa mise en service.

Il est le deuxième d’une série de trois navires de la White Star Line, et le grand évènement à l’époque est la mise en service l’année précédente du premier de ces trois navires, l’Olympic. Le Titanic étant quasiment similaire, sa mise en service ne fait pas autant de bruit. À cette époque on construit des navires qui sont rapidement de plus en plus gros : le Titanic et l’Olympic ont un volume de plus de 45 000 tonneaux, alors que dix ans plus tôt on venait de dépasser les 20 000. Et à leur mise en service, les Allemands préparent déjà quelque chose de plus gros. 

Le Titanic s’inscrit ainsi dans la succession d’évolutions continues d’une véritable course à la grandeur des paquebots. Chacun s’inspire des uns et des autres, on améliore progressivement certains aspects et on renonce à d’autres : la White Star Line par exemple ne cherche pas à battre de record de vitesse. Le Titanic appartient donc à une période d’évolutions technologiques majeures, mais il ne constitue en aucun cas un navire révolutionnaire. De même quant à son image de luxe, ses intérieurs sont évidemment fastueux, mais bien moins exubérants que ceux d’autres navires du temps.

Est-il le premier considéré comme « insubmersible » ? Dans quelle histoire des naufrages de paquebots le Titanic s'inscrit-il ?

Le Titanic n’a rien de particulier sur ce point : on dit à l’époque de tous les gros paquebots qu’ils sont insubmersibles, et ce déjà depuis longtemps, car on avait des techniques qui donnaient l’impression que globalement, ils pouvaient résister à tous les chocs. Le Titanic et son jumeau étaient sûrement les navires les plus sûrs de leur temps, mais il a eu un accident qui aurait de toute façon mis en danger tous les navires existants – et sûrement même un certain nombre de navires actuels.

Les navires sont depuis longtemps divisés en compartiments étanches, un système qui permet de se maintenir à flot même si plusieurs des compartiments sont inondés. En 1879, par exemple, l’Arizona entre en collision avec un iceberg de plein fouet et rentre sans problème au port. En plus, les photographies spectaculaires de sa proue éventrée contribuent à renforcer l’idée que les paquebots sont insubmersibles. En 1903 le Cedric, autre navire de la White Star Line, n’arrive pas à l’heure attendue alors que l’on ne dispose pas encore de la radio : le vice-président rassure en qualifiant les paquebots modernes d’insubmersibles, et effectivement le Cedric arrive à bon port.

En 1909, on a en tête le naufrage tout récent du Republic qui se fait rentrer dedans par un autre paquebot dans le brouillard : le choc fait six morts et le navire est éventré, mais pourtant il tient quarante heures avant de couler. L’Olympic lui-même est éventré par un croiseur de combat dans le port de South...

Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée.