Chronique

Miss Slade alias Mirabehn, une transfuge anticoloniale aux côtés de Gandhi

le par

L'égérie anticoloniale Mirabehn en compagnie de Gandhi, Paris-Soir, 1931 – source : RetroNews-BnF

Grande figure publique de l’entre-deux-guerres, cette activiste britannique issue de la « haute société » est progressivement devenue le bras droit de Gandhi dans sa campagne en faveur de la libération de l’Inde colonisée – allant jusqu’en prison avec le célèbre Mahatma.

« Voilà bien un signe des temps. Il y a trois ans, Gandhi, le grand apôtre de l'inde, était emprisonné par les Anglais. Aujourd’hui, il gagne le cœur même de ses ennemis », écrit Le Quotidien en mai 1925.

Quel est donc cet ennemi gagné par le cœur ? C’est une trentenaire britannique, musicienne et férue de Beethoven, « Miss Madeleine Slade [,] une grande jeune fille, robuste et riante qui respire la santé ». La journaliste qui l’interroge, Simone Téry, introduit auprès du public français celle qui a défrayé la chronique outre-Manche par une conversion présentée comme un transfuge :

Fille de Sir Edmond John Warre Slade, amiral de la flotte et coadministrateur de l’Anglo-Persian Oil Company, petite-fille d’un ambassadeur à Saint-Pétersbourg, Madeleine Slade était pourtant née dans la meilleure société britannique.

Elle n’est pas la seule étrangère à avoir accompagné le Mahatma. Décédée en 1933, la journaliste et féministe britannique Annie Besant, installée en Inde depuis 1893, fut également une figure de la lutte anticoloniale indienne. Enfin, la jeune américaine Nila Cram Cook, rejeton excentrique d’un célèbre mais non moins fantasque universitaire et poète, rejoint les rangs de Gandhi, avant d’être expulsée par les autorités britanniques en 1934.

Peut-être à cause de son prénom, ou de son sourire de « sainte de vitrail », le chemin de celle qui est appelée « Miss Slade » de ce côté-ci du monde, comme la simplicité de sa mise, ont été associés aux vocations des religieuses, ou des saintes. Simone Téry est subjuguée :

« Quelle émotion dans la voix, quelle flamme dans ses yeux ! »

Mais cet enthousiasme n’est guère partagé par ses consœurs. Dans les pages féminines comme ailleurs, les femmes de plume ne sont pas les moins critiques, à l’instar de Rosine dans Le Matin :

« J'admire toujours les femmes qui font preuve d'initiative, de courage moral, d'indépendance intellectuelle, qui cherchent la façon la plus noble de vivre, de penser, de servir.

Mais je me méfie des conversions tapageuses, et à grand fracas je ne conçois guère que les évolutions de l'âme et de l'esprit s'accommodent de commentaires éclatants, de bruit et de tumulte....

Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée.