Écho de presse

La chasse au tigre « mangeur d'hommes » aux Indes britanniques

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Tigre royal, femelle, dessin de Wermer, « Histoire naturelle des mammifères », 1819 - source : Gallica-BnF

Du XIXe au XXe siècle, autochtones et colons de l'Inde sous commandement britannique exterminent le tigre du Bengale. Une traque qui va donner lieu, dans la presse, à une foule de récits stéréotypés vantant l'héroïsme du chasseur face à « l'impitoyable » félin.

Lorsque l'écrivain britannique Rudyard Kipling écrivit en 1884 son fameux roman Le Livre de la jungle, il n'eut sans doute pas à chercher bien longtemps avant de trouver l'animal qui incarnerait le méchant. Le terrible Shere Khan, qui a juré la perte du petit humain Mowgli, est un tigre – un « mangeur d'hommes » cruel et sournois.

Le personnage ne ferait pas grand-chose pour améliorer l'image du tigre auprès du grand public. Pourtant, en plaçant son histoire dans l'Inde où il est né (le sous-continent fait alors partie de l'Empire britannique), Kipling ne fait que reprendre les caractéristiques qui, pour les Anglais comme pour les Indiens, sont habituellement attachées au félin.

À la fin du XIXesiècle, la population du tigre du Bengale tourne autour de 50 000 individus. L'animal, prédateur incontesté, fait chaque année plusieurs centaines de victimes dans les zones rurales. En effet, les spécimens les plus âgés, qui faute de dents suffisamment solides ne peuvent plus chasser leurs proies habituelles (sangliers, buffles...), s'attaquent régulièrement aux humains à la nuit tombée.

Les Anglais vont donc très tôt encourager son extermination, en récompensant les chasseurs victorieux par une prime. Dans la presse française, tout au long du XIXe siècle, les récits abondent de ces chasses au tigre réputées terriblement dangereuses, dans lequel des hommes intrépides vont mettre leur vie en jeu pour se débarrasser du prédateur. Bien souvent romancés, ces récits vont presque devenir un genre en soi, jusqu'à se transformer en image d'Épinal.

En 1833, dans la rubrique « Scènes orientales » du Constitutionnel, un voyageur en Inde raconte la chasse à laquelle il a assisté. Un demi-siècle avant Kipling, le tigre y est dépeint en animal fondamentalement mauvais :

« Les tigres sont en très grand nombre dans ces parages (aux environs de Wandivash et de Gingee), et il y a aussi quelques naturels du pays qui leur font avec une merveilleuse adresse une guerre d'extermination. Durant notre séjour , nous eûmes l'occasion d'assister avant notre départ à une chasse au tigre, où nous pûmes apprécier l'intrépidité et l'adresse incroyables des naturels [...].

Nous n'avions pas, pour notre ...

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