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1878, Nouméa : la grande insurrection kanak dans Le Figaro

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« Belle défense du commandant Leca après le massacre de sa femme et de ses deux enfants », dessin paru dans Le Monde illustré, 1878 - source : RetroNews-BnF

Tandis que l’archipel de Nouvelle-Calédonie est à feu et à sang à la suite du soulèvement du chef de guerre Ataï, un anonyme présent sur les lieux envoie au Figaro ses impressions et des informations inédites sur la révolte en cours, fragments d’un discours colonialiste sans ambages.

Acculés dans des réserves et spoliés de leurs terres depuis le rattachement de l’archipel aux colonies françaises en 1853, plusieurs « Kanaks » mécontents se réunissent à l’été 1878 autour du guerrier Ataï afin de faire valoir leurs droits bafoués. Vite, le face à face entre colons et rebelles dégénère et la révolte mute en quasi guerre civile. Les journaux de la métropole publient telles quelles les dépêches d’Océanie, catastrophistes.

Le Figaro est alors l’un des premiers titres à faire figurer un pli authentique de la part d’un Français (sans doute un soldat) présent lors de l’insurrection. Le mystérieux « XXX » revient sur le « massacre » en cours et intègre à sa lettre un compte rendu détaillé – partisan et extrêmement essentialiste – du soulèvement publié dans le journal local, La Nouvelle Calédonie.

LA RÉVOLTE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Nouméa, 7 juillet 1878.

Il y a environ quinze jours, à peine commencions-nous à nous remettre de l'émotion causée par la déconfiture de la Banque de la Nouvelle-Calédonie, que nous apprenions à Nouméa de terribles choses. La brigade de gendarmerie de la Foa et différents colons d'Uaraï venaient d'être assassinés par les Canaques de l'arrondissement.

A peine la nouvelle était-elle reconnue exacte que le colonel Gally, brave comme toujours, monta à cheval, prit avec lui une partie des troupes et se rendit sur les lieux. L'anxiété était grande à Nouméa et la population, le soir, n'était pas sans craintes sur la ou plutôt les suites de cette petite révolte. Beaucoup d'anciens colons se rappelant les révoltes des années précédentes parlaient déjà d'organiser un service de volontaires pour la défense commune.

Aussi, comment vous peindre ce que tous nous éprouvâmes le lendemain lorsque, coup sur coup, les nouvelles suivantes nous arrivèrent. Ces nouvelles étaient graves. En effet, dès le soir, on apprit que les Canaques de Bouloupari, gagnés par le chef Ataï et ses sujets, venaient de faire cause commune avec les révoltés et avaient assassiné tous les habitants de leur arrondissement. Ce qu'il y a eu d'horrible dans ce dernier massacre, c'est que, dépourvus d'armes et ne soupçonnant pas le péril, tous ces malheureux ont été surpris et tués sans avoir pu se défendre. Le gérant et le surveillant du bureau télégraphique, la brigade de gendarmerie, la plupart des colons, tous en un mot tombèrent sous les coups des sauvages.

Tout compte fait, bien près de cent personnes ont perdu la vie dans cette affaire. Toutes les victimes ont été tuées soit à coups de hache, soit à coups de casse-tête, soit même à coups de fusil. Les cadavres étaient horribles à voir ; les uns avaient la tête fendue en deux, les autres le ventre ouvert. Les femmes et les jeunes filles avaient subi le dernier outrage.

Vous devez penser ce que fut Nouméa lorsque ces tristes nouvelles furent reconnues officielles. Là, une femme pleurait, là, une autre criait demandant à s'en aller, à quitter cet affreux pays, etc., etc... Quant aux hommes, ils s'empressè...

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