Interview

Une histoire de la résistance vietnamienne à l’Empire français

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Le général Võ Nguyên Giáp avec Hô Chi Minh, circa 1945 - source : WikiCommons

Des conquêtes militaires françaises de la fin du XIXe siècle jusqu’à Diên Biên Phu en 1954, la résistance vietnamienne n'a cessé de lutter contre l’occupant. L’historien François Guillemot revient avec nous sur ce long combat pour l'indépendance.

Historien, ingénieur de recherche au CNRS en charge de la documentation sur l’Asie du Sud-Est à l’Institut d’Asie Orientale (ENS de Lyon), François Guillemot est un spécialiste de l'histoire du Vietnam contemporain. Son travail, à la croisée de la documentation et de la recherche, permet de mieux comprendre la genèse, la structuration et l'évolution des mouvements de résistance face à la colonisation française, pour aboutir à l'indépendance fracturée du pays en 1954, au sortir de la guerre d’Indochine.

François Guillemot est l'auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels Dai Viêt, indépendance et révolution au Viêt-Nam et Des Vietnamiennes dans la guerre civile aux éditions Les Indes savantes. Son ouvrage le plus récent Viêt-Nam, fractures d'une nation, paru en 2018 aux éditions La Découverte, revient sur le processus d'indépendance vietnamien.

Propos recueillis par Arnaud Pagès

RetroNews : Comment est née la résistance face à la colonisation française ? 

François Guillemot : En 1858, une escadre navale franco-espagnole attaque la ville côtière de Da Nang et se replie, en 1862, sur Saïgon pour occuper ce petit port du sud. C'est le début de la colonisation.

Dès les premiers actes de conquête militaire par la France, la résistance vietnamienne s'organise. Elle est d'abord dirigée par des lettrés patriotes. Les premières populations visées par cette réaction au fait colonial sont les catholiques, avec des assassinats en nombre. Les insurgés vietnamiens considèrent que ce sont eux qui ont fait rentrer le « loup dans la bergerie ». Les lettrés patriotes fondent en 1885 le mouvement de résistance « Cần Vương », c'est à dire « Aide au Roi », avec des unités combattantes sur tout le territoire, qui prendra fin en 1913 avec l'assassinat de Hoang Hoa Tham, l’un de ses derniers chefs.

Une seconde vague plus pacifiste, organisée par des lettrés modernistes, va  ensuite faire son apparition. Elle prend deux directions, réformiste et républicaine d'un côté, monarchiste et insurrectionnelle de l'autre. Plusieurs grandes figures émergent alors. Phan Bôi Châu qui prône l'option révolutionnaire avec l'aide du Japon et de la Chine. Phan Châu Trinh qui mise sur l'éducation pour accéder à l'indépendance et envisage une entente franco-vietnamienne – qui ne débouchera sur rien. Du côté des interactions avec le pouvoir colonial, le lettré Pham Quynh développe sa vision monarchiste éclairée et souhaite le retour à un véritable protectorat.

La révolution chinoise de 1911 puis la révolution bolchévique de 1917 vont cristalliser les débats entre nationalisme et communisme, et engendrer les premi...

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