Interview

Voter en Afrique noire colonisée : possibilités et désillusions

Passants dans une rue de Bamako, photo de René Deslandes, 1929 - source : Gallica-BnF

A compter de 1912, les hommes d’Afrique Occidentale et Équatoriale française peuvent théoriquement demander d’acquérir la citoyenneté, en se soumettant à un certain nombre d’injonctions administratives. Le but : se rapprocher de l’élite marchande et culturelle des pays colonisés.

Si la France accorde dès 1865 aux Algériens la possibilité de demander la citoyenneté française, ce n’est qu’à partir de 1912 que ce droit s’ouvre aux hommes « indigènes » d’Afrique Occidentale et Equatoriale Française. Ils seront une toute petite minorité à en bénéficier. Retour sur cette procédure restée exceptionnelle avec Sarah Rahouadj, historienne du droit.

Propos recueillis par Alice Tillier-Chevallier

RetroNews : On sait bien que dans l’empire français, la majorité des hommes colonisés avaient le statut de sujets et étaient soumis au code de l’indigénat. Combien ont fait exception en obtenant le statut de citoyen ?

Sarah Rahouadj : La difficulté, pour répondre à cette question, est que nous ne disposons pas de statistiques, pour la simple et bonne raison que l’administration française n’en a pas établi – elle n’avait aucun intérêt à le faire. La source principale est donc constituée par les dossiers de demande d’accès à la citoyenneté, conservés aujourd’hui aux Archives nationales, où ils ont été versés par le ministère des Colonies ou par le ministère de la Justice qui en avait copie.

Sur la période de la IIIe République jusqu’en 1939, ce sont 200 dossiers qui ont été retrouvés. Tous ou presque correspondent à des demandes qui ont abouti – parfois après un ou deux refus préalables consignés dans le dossier. Nous ne pouvons donc malheureusement pas quantifier le nombre de demandes qui ont été faites, ni la proportion de celles qui ont été rejetées.

En quoi consiste précisément la procédure ?

Le demandeur doit d’abord se présenter auprès de l’administrateur le plus proche (administrateur-maire, chef de cercle, lieutenant-gouverneur, etc.) : il déclare alors vouloir accéder à la citoyenneté et « renoncer à [son] statut personnel ». Cette formule – qu’il écrit lui-même ou dont il signe quelquefois une version dactylographiée –, signifie qu’il se place désormais sous la loi française et abandonne les règles coutumières, ...

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