Écho de presse

L'amertume de l'armistice

le 29/05/2018 par Marina Bellot
le 10/11/2016 par Marina Bellot - modifié le 29/05/2018
Affiche "Il faut maintenant souscrire à l'emprunt". Crédit de l'Ouest : Georges Scott 1919 - Source Gallica BnF

Au lendemain de l'armistice mettant fin à la Première Guerre mondiale, la liesse fait place à une grande désillusion...

Le 11 novembre 1919, le premier anniversaire de l'armistice est à la une de la presse. L'Ouest-Éclair note avec emphase :

"Il y a un an, l'allégresse emplissait nos cœurs, les trois couleurs de notre drapeau fleurissaient les fenêtres de toutes nos maisons, et la voix des cloches, vibrant dans l'air pur répandait par dessus les villes et à travers les campagnes l'étonnante, la merveilleuse nouvelle : « l'armistice est signé ! L'Allemagne capitule ! La revanche est prise ! La France a vaincu ! »"

Pourtant, un an après la victoire, le goût de triomphe s'est mué en amertume. Le Temps fait un constat sans appel :

"De quelque coté qu’on porte ses regards, on ne voit que malaise, mécontentement, difficultés, troubles et luttes. L’Europe est en proie à une fièvre aiguë qui l’agite et l'accable."

La France est à reconstruire, habitations, terres agricoles et infrastructures, la politique économique est à redéfinir... Un défi colossal, comme le note L'Ouest-Éclair :

"Nous avons tant, tant à faire ! Nous avons à reconstituer et à reconstruire, nous avons à rétablir notre vie publique nous avons à régler les rapports du Capital et du Travail. Cette tâche immense et nécessaire, nous aspirons à l'accomplir dans le calme des passions apaisées, en restant longtemps encore, longtemps sinon toujours peut-être dans le sillage de l'union sacrée."

Pendant des années, dessins et textes satiriques fleurissent pour exprimer cette désillusion, comme celui publié dans Le Journal amusant le 11 novembre 1922 :

"Voilà : dès que je suis convenablement pochard, je me dis : « Ça est l'anniversaire d'un jour de bonheur ! » Et je me mets dans l'atmosphère de ce jour de bonheur telle que nous la respirions il y a quatre ans. Et alors, mon ami, ça est divin... Je revois nos troupes qui reviennent victorieuses, je revois les boches qui s'en vont comme un gentil troupeau de compagnons de saint Antoine. Je me dis : « Ah ! quel bonheur ! La guerre est finie, nous allons de nouveau être heureux ! »
— Et le lendemain
 ?
— Le lendemain, j'apprends que M. Guillaume
 II écrit des livres et se marie, et que les boches ne remboursent rien du tout ! Alors, je me réveille en sursaut et je me remets en guerre !
— En guerre
 ?
— Oui, contre l'armée des fournisseurs et la réserve des receveurs de contributions... Et je me bats jusqu’au prochain anniversaire
 ! Ça est la vie maintenant : se battre et fêter des anniversaires ! »"