Chronique

Le siège d’Angers, l’écrasement de la rébellion militaire vendéenne

le 10/01/2020 par Anne Rolland-Boulestreau
le 17/05/2018 par Anne Rolland-Boulestreau - modifié le 10/01/2020
« Les Vendéens demandent à Cathelineau de prendre la tête de l'insurrection », peinture de Jean-Hubert Sauzeau, 1900 - source : WikiCommons

Les 3 et 4 décembre 1793, l’insurrection contre-révolutionnaire est stoppée par l’armée républicaine à Angers, ville que les rebelles ont déjà prise et qu’ils estiment stratégique.

Depuis octobre 1793, 60 000 à 100 000 monarchistes vendéens se sont lancés dans une hasardeuse « Virée de galerne », pour s’emparer d’un port en Normandie ou en Bretagne, afin que les Anglais, alliés qui voient d’un œil inquiet les récents événements de la Révolution, puissent venir les secourir. Mais, après deux mois d’errance, épuisés par les intempéries, les maladies et les combats, ils sont aux portes d’Angers.

Pour les Républicains qui les affrontent, il s’agit de tester la force et l’unité de la Nation en danger.

Six mois plus tôt, les Vendéens ont déjà mené un siège de la ville d’Angers, en juin 1793, au moment où ils remportaient encore des succès militaires. Leur victoire sur la cité andégave fut nette mais éphémère. En réalité, cette prise d’Angers fut surtout le témoin de la faiblesse républicaine d’alors.

En décembre 1793, dans un tout autre contexte, les contre-révolutionnaires tentent de reprendre la ville, persuadés qu’elle est l’issue favorable pour rentrer dans leurs foyers. Mais décimés par la dysenterie et harcelés par l’armée républicaine, ils échouent dans leur entreprise.

Le représentant du peuple Francastel reçoit du Comité de salut public toute latitude pour mener à bien la défense d’Angers. Il est vite rejoint par ses collègues Prieur de la Marne, Delavallée et Bourbotte. Les Angevins, bien décidés cette fois à ne pas faillir devant l’adversaire, organisent la défense du château, des murailles et des portes.

Dans Le Moniteur universel du 10 décembre 1793, on peut lire les prises de parole de Barrère au sujet des « mouvements dans l’ancienne Vendée ».

« Voici les nouvelles de la Vendée.

La cavalerie, comme nous vous l’avons marqué par notre lettre d’hier, s’est mise à la poursuite des ennemis sur la route de Baugé ; elle a inquiété, harcelé et exterminé les traîneurs […].

Les renseignements qui nous sont parvenus par les éclaireurs, nous ont appris que les brigands sont à Bauge, et qu’il est à croire qu’ils n’y ont laissé qu’un poste, tandis que leur corps d’armée se portera à Saumur.

Les dispositions viennent d’être prises en conséquence : l’armée marche sur deux colonnes ; l’une par Bauge, route de La Flèche, l’autre sur Saumur. […]

La cavalerie se portera en avant avec de l’artillerie légère, harcèlera sans cesse l’ennemi, l’empêchera de se répandre dans les campagnes pour piller et chercher des subsistances. »

Le rôle des femmes, présentes sur les remparts de la ville, est particulièrement décrit dans les journaux : les unes galvanisent les combattants républicains ; les autres les soignent ou assurent la logistique.

Ainsi, selon les termes du Mercure universel daté du 14 décembre 1793, « le patriotisme rare des respectables femmes d’Angers » n’a cessé de se manifester au cours des combats.

« Déjà, les rues étaient pleines de ces dignes femmes, qui s’entre-choquaient et courraient vitement aux remparts, des terrines pleines de viande et de soupe à la main, pain et vin sous le bras, pour restaurer un peu, disaient-elles, leurs braves défenseurs.

Grâce â l'empressement, à la tendre humanité, à la grande affluence de toutes ces dignes citoyennes, si bien méritantes de la patrie, toute notre armée fut en très peu de temps pourvue de subsistances, et, ainsi encouragé au combat, chacun de nos soldats devint à l'instant pour les brigands un lion terrible qui aurait voulu sortir, s'élancer et foncer sur eux pour les exterminer tout entiers de sa propre main, sous les yeux attendris de ces magnanimes bienfaitrices. »

Après deux jours de siège, la victoire est acquise pour les Républicains. En déclarant que les Angevins avaient « bien mérité de la patrie » (Le Mercure universel, 8 décembre 1793), la Convention nationale rétablit leur honneur.

Francastel ne s’y trompe pas en affichant ce « titre de gloire » sur les murs. Les conventionnels angevins, Choudieu et Pérard, lui emboîtent le pas : « Angers a retrouvé sa gloire, il ne la perdra plus ».

Les cocardes tricolores sont arborées ; les chants de la Marseillaise entonnés dans les rues ; les arbres de la liberté replantés et les banquets patriotiques organisés durant plusieurs jours consécutifs. « En un mot, l’amour de la République était passé dans toutes les âmes »,  selon la formule du Républicain français du 12 décembre 1793.

La presse républicaine s’en donne à cœur joie, publiant récits et lettres envoyées depuis le front de l’ouest retraçant la bataille contre « les brigands catholiques ».

« Aussitôt la levée du siège d’Angers, mes collègues réunis ont jugé convenable de m’envoyer à Saumur. L’armée catholique, d’après tous les rapports, devait s’y porter. […]

Les brigands catholiques, à mon arrivée, n’étaient plus qu’à cinq lieues de Saumur. Mes collègues, par courrier extraordinaire, m’écrivaient : “Tiens-toi sur tes gardes, tu vas être attaqué.”

La générale a aussitôt battu. Chacun, à son poste, se disposait à recevoir vigoureusement l’ennemi. Les faubourgs étaient évacués. Les maisons, qui pouvaient incommoder nos batteries, ont été incendiées.

J’avais fait préparer, dans les autres, des matières combustibles. »

Battus, les Vendéens refluent vers le nord, en direction du Mans et de La Flèche, quand d’autres sont tués ou faits prisonniers. « Deux mille rebelles » auraient ainsi été « écrasés par notre cavalerie », rapportent fièrement les Nouvelles politiques, nationales et étrangères du 13 décembre 1793.

Autour d’Angers, les faubourgs et chemins « qui y aboutissent sont jonchés des cadavres des rebelles », rapporte Le Moniteur universel du 12 décembre 1793. Une commission militaire angevine statue sur le sort des détenus : 2 500 personnes seront fusillées à Avrillé entre décembre 1793 et avril 1794.

« Tous ces combats ne coûtent pas dix citoyens à la République.

Elle peut se glorifier d’avoir les soldats les plus patients, les plus infatigables et les plus courageux ; rien ne les étonne, nul obstacle ne les arrête […] pour fondre à coups de baïonnette sur les brigands.

Nous leur avons pris quatre pièces de 4 et une de 18, des chevaux, une quantité étonnante de subsistances, de fourages, et nous sommes en possession de l’île de Bouin. »

Fin décembre 1793, la Virée de galerne se termine tragiquement dans les marais de Savenay. Le nombre des rebelles qui réussissent à regagner leurs foyers est impossible à connaître.

Les survivants devront ensuite affronter une nouvelle épreuve à partir de janvier 1794, celle des colonnes « infernales », commandées par le général en chef Turreau.