Chronique

Février 1795 : Le traité de paix entre Républicains et Vendéens

le 05/01/2020 par Jean-Clément Martin
le 23/05/2018 par Jean-Clément Martin - modifié le 05/01/2020
Signature du traité de paix de La Jaunaye, estampe, 1817 - source : Gallica-BnF

Après plusieurs mois de tentative de pacification de la région, plusieurs représentants de la Convention nationale invitent les chefs de l’armée rebelle à signer un traité de paix définitif. Celui-ci est entériné à La Jaunaye, près de Nantes.

Le traité de paix conclu dans le manoir de La Jaunaye, à Saint-Sébastien-sur-Loire, en février 1795, est un épisode de la guerre de Vendée peu connu.

Signé entre les représentants de la Convention thermidorienne et plusieurs chefs vendéens conduits par Charette, ce traité a été difficilement appliqué, rapidement dénoncé par des républicains d'un côté, par des chefs vendéens – ou chouans  –de l'autre, puis rendu caduc par la reprise de la guerre dès l'été 1795 jusqu’à la paix de Montfaucon en 1800. Il apporte pourtant un éclairage intéressant sur les rapports entre République et Vendée.

La négociation commence le 12 février 1795 : les représentants en mission, conduits par Ruelle, accueillent les Vendéens emmenés par Charette, qui réclament la liberté totale du culte, les exemptions militaires, mais aussi des indemnités pour les reconstructions et le maintien de leur contrôle sur la région.

On peut lire dans les pages du Républicain français l’enthousiasme des Républicains de l’Ouest à l'annonce de la signature de cet accord par les « rebelles de  la Vendée » :

« Delaunay d’Angers, au nom des représentants du peuple près les armées de l'Ouest, des côtes de Brest et de Cherbourg – La justice et l'humanité ont conquis la Vendée à la République ; des enfans [sic] égarés viennent de rentrer dans le sein de la grande famille : cette conquête est due à votre énergie depuis le 10 thermidor, et à votre amour constant pour l'unité et l’indivisibilité de la République. […]

Chargés de rétablir le calme et la tranquillité dans les départements de l’Ouest, troublés par les chouans et les rebelles de la Vendée, nous crûmes que notre premier soin devoit être de connoître les dispositions des habitants de ces malheureux pays ; nous envoyâmes des émissaires parcourir les campagnes et étudier l’opinion qui y régnoit.

Nous sûmes que la révolution du 9 thermidor y étoit pour ainsi dire ignorée, et que les eaux ensanglantées de la Loire [lire notre article, N.D.L.R.] y avaient laissé des plaies qui n’étoient pas encore cicatrisées […]

C'est sous cette tente que les chefs des des armées vendéennes, dites du Centre et des Pays-Bas […] ont déclaré qu’ils reconnaissoient la République française une et indivisible et se soumettoient à ses loix, qu'ils ont promis de ne jamais porter les armes centre elle, et de remettre toute  l’artillerie et les chevaux d'artillerie qui pouvoient être en leurs mains. »

La responsabilité de la guerre et des massacres commis par l’armée républicaine est rejetée sur les « anarchistes ».

Si bien que la Société populaire de Nantes accueille en son sein Charette et des officiers vendéens. Charette ne parle toutefois pas de la nature du régime et revendique d'abord sa qualité de Français. En signe de protestation, les officiers vendéens ont également tenu à passer place du Bouffay, où se trouvait auparavant la guillotine.

Dans le même numéro du Républicain français figurent, à la suite des interventions de Delaunay, les déclarations des chefs vendéens. Celles-ci sont, sans surprise, plus partagées :

« Des attentats inouïs contre notre liberté, l’intolérance la plus cruelle, le despotisme […] que nous avons éprouvés, nous ont mis les armes à la main.

Nous avons vu avec horreur notre malheureuse patrie à des ambitieux, qui, sons les apparences du patriotisme le plus pur, sous le masque séduisant de la popularité, aspiroient [sic] à une dictature perpétuelle. […]

Le représentant Ruelle, ami de l’humanité et des loix, est venu parmi nous apporter des paroles de paix. La confiance si fort altérée par les actes de barbarie qui ont précédé sa mission, a commencé à renaître. À son aspect, nous n’avons au aucune répugnance pour des rapprochements capables de mettre fin aux calamités qui nous déchirent. […]

Et c’est dans ces sentiments que nous déclarons solennellement à la Convention nationale et à la France entière, nous soumettre à la République française une et indivisible, que nous reconnoissons ses loix, et que nous prenons l’engagement formel de n’y porter aucune atteinte. »

Même si les combats reprennent à la fin de cette même année 1795 (Charrette sera finalement exécuté en 1796), cette pacification marque un tournant important.

Pour la première fois, les causes de la royauté et de la catholicité sont désunies, (annonçant le Concordat de 1802), et surtout les Vendéens ne sont plus des « rebelles » ou des « brigands ». Ils n’ont été finalement que des « frères égarés », attestant qu’ils n’ont jamais été placés hors de la nation.