Chronique

Le « Robin des bois rouge » : Max Hölz, une figure de la Révolution allemande

le 05/06/2020 par Nicolas Offenstadt
le 07/07/2018 par Nicolas Offenstadt - modifié le 05/06/2020
« Le chef communiste Max Holz », reportage photographique dans Le Miroir, 2 mai 1920 - Source RetroNews BnF

Max Hölz, personnage singulier et peu connu de la Révolution allemande : un regard de la presse française sur la lutte de cet ancien soldat de la Grande Guerre devenu révolutionnaire, par Nicolas Offenstadt dans le cadre du feuilleton « 1918, un monde en révolutions ».

En quelques jours, en Allemagne, début novembre 1918, l’Empire Hohenzollern est renversé et la République proclamée. La Révolution s’est répandue comme une traînée de poudre depuis la ville de Kiel dans le Schleswig-Holstein, jusque dans toute l’Allemagne. Le 9 la République est proclamée à Berlin par deux socialistes (Philipp Scheidemann, Karl Liebnecht), l’un plus révolutionnaire que l’autre.

Parmi les nombreux acteurs qui émergent de ce monde bouleversé, Max Hölz, ce « chef communiste » comme le désigne ici Le Miroir. À lui seul Hölz (né en 1889) incarne le destin de millions d’anciens combattants à travers l’Europe. Mais il est aussi un aventurier incroyable, parfaitement singulier.

 

Il est typique de tous ces soldats que l’expérience des tranchées et la conduite de la guerre ont transformé en militants et qui veulent que le monde change, que la justice et l’égalité triomphent sur les dominations d’autrefois. En effet, c’est un jeune pieux et apolitique qui entre dans le conflit. Hölz éprouve les horreurs et la violence dans la guerre, qu’il décrit encore avec effroi dans ses mémoires. Son christianisme l’invite aussi à tenir la violence à distance. Comme tant d’autres, il interroge de plus en plus le sens du conflit, d’autant plus qu’il rencontre au front un militant socialiste chevronné, Georg Schumann dont il apprécie les analyses.

De retour dans sa région de Saxe, il devient très actif dans les révolutions qui se mettent en place, en particulier autour des conseils de soldats, travailleurs et chômeurs. Hölz perd la foi, adhère au Parti socialiste indépendant puis au Parti Communiste qui en hérite en parti. Il exerce une forte autorité localement et terrorise les possédants. Hölz est sans cesse menacé, saisi, arrêté mais arrive toujours à échapper notamment grâce à l’aide des ouvriers.

Le Miroir le montre en bandit rouge. C’est exacte qu’il entend faire participer les possédants à la défense de la Révolution, en particulier lors du putsch réactionnaire de Kapp (mars) contre lequel il forme une garde rouge et se saisit du pouvoir à Falkenstein, avant de devoir fuir.

« La ville de Plauen, dans le Vogland, en Saxe, vient de subir la dictature d'un chef communiste, Max Holz. Commandant l'armée rouge de la région, Holz installa son quartier général au château de Falkenstein, mais il se rendait avec ses hommes à Plauen.

Les industriels devaient se trouver au café Tromel et y apporter des sommes élevées, pour éviter l'incendie de leurs villas. Quelques-uns payèrent, mais avant l'entrée de la Reichswehr et la fuite de Holz, ce dernier fit brûler les habitations les plus riches. »

 

Dans ce reportage, Le Miroir minore la dimension politique pour transformer la lutte en « crime ». Sur sept images, trois apparaissent sur le mode du reportage mais trois autres mettent en scène les ruines. Les lecteurs de l’époque pourront reconnaître facilement la suite de la propagande de guerre où la mise en scène des ruines permettait de charger l’adversaire. Rien n’est dit ici du contexte de défense de la République face à la contre-révolution.

Hölz s’affirme encore comme un leader militaire et politique charismatique en participant à l’insurrection de mars 1921, appelant à une nouvelle République des Conseils. Arrêté encore puis libéré, il part en Russie soviétique où son corps est retrouvé en 1933 dans le fleuve Oka. Un crime politique, cette fois, pour un homme qui se distanciait du Stalinisme ?

L’ambiguité de Hölz dans la mémoire communiste est rendu manifeste dans le film dont il est le héros en RDA en 1973, Wolz (Günter Reisch) qui célèbre son énergie révolutionnaire tout en faisant énoncer la juste ligne du Parti par un autre acteur - Ludwig - des événements. En 1990, à Falkenstein son mémorial est déboulonné...

 

Nicolas Offenstadt, historien, maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste de la Grande Guerre.

 

Tout l'été, Nicolas Offenstadt interroge l'histoire mondiale née en 1918 sur France Inter et RetroNews. Retrouvez le podcast de l'émission 1918 en Allemagne : Défaite, Révolutions et République pour un autre éclairage sur le parcours révolutionnaire de Max Hölz.


Pour aller plus loin : Max Hölz : Un rebelle dans la Révolution, Paris, Spartacus, 1988


En partenariat avec France Inter, le journal La Croix et la Mission du Centenaire de la Première Guerre mondiale

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