Chronique

Juillet 1944-avril 1945 : l’ouverture des camps de la mort

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Retour de déportés en France, brandissant une pancarte « Je viens d'Auschwitz – seul survivant sur 1000 », Regards, 1945 - source : RetroNews-BnF

Tandis que les armées alliées avancent à travers l’Europe, les premiers camps d’extermination nazis sont découverts. Devant une telle horreur, Russes et Américains emploient des stratégies militaires et médiatiques radicalement différentes.

« Nous savions. Le monde en avait entendu parler. Mais jusqu'à présent aucun d'entre nous n'avait vu. C'était comme si nous avions pu enfin pénétrer à l'intérieur même des replis de ce cœur maléfique », écrit le journaliste américain Meyer Levin.

Dans la Jeep qu'il partage avec le photographe français de l'AFP, Eric Schwab, ils ont roulé dans le sillage de la 4e division blindée de l'armée américaine au sein de la 3e armée commandée par le général Patton. Meyer Levin et Eric Schwab, puis les soldats américains, ont découvert Ohrdruf, un commando du camp de concentration de  Buchenwald. Le camp est vide. Vingt-neuf cadavres décharnés vêtus d'un uniforme zébré sont étendus en cercle. Ordre sera de les y laisser.

Nous sommes le 5 avril 1945. Et c'est le choc. Un choc qui se répétera à chaque fois que « les Alliés ouvrirent les portes », pour reprendre la formule de Jean Cayrol dans Nuit et brouillard, entre le 5 avril et le 9 mai 1945.

D'autres camps pourtant avaient déjà été découverts par les Alliés au gré de leur avance. À l'Est, par l'Armée rouge, ceux de Lublin-Majdanek (24 juillet 1944) ou d'Auschwitz (27 janvier 1945) ; à l'Ouest, par les Américains, celui du Struthof (23 novembre 1944). Ces camps, comme plus tard ceux de la vieille Allemagne – Buchenwald, Dachau... – ont été découverts au hasard des opérations militaires par des unités avancées.

Pour aucun des Alliés – Américains, Britanniques, Français, Soviétiques –, les camps n'ont constitué un objectif en soi. La libération de ceux qui y étaient détenus n'était pas un but de guerre. Non qu'ils en ignorassent l'existence. Mais les priorités du temps étaient ailleurs. La victoire militaire était l'objectif premier.

La libération du Struthof et celle de Lublin-Majdanek présente la même particularité : les camps ne contiennent plus aucun détenu car ces derniers ont été évacués.

À Lublin-Majdanek, sur le territoire polonais, les Soviétiques pénètrent le 23 juillet 1944. On ne connait pas le nombre exact de victimes juives, probablement 60 000, dans ce camp qui fut surtout un camp de travail pour Polonais. Le vaste complexe concentrationnaire a été évacué par les Allemands dans la précipitation devant l'approche d'unités avancées de l'Armée rouge.

Les soldats y trouvent – et cette découverte se reproduira dans les camps d'Auschwitz – les énormes magasins contenant les effets des internés, not...

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