Chronique

La douloureuse épopée des femmes soldats de la Révolution

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Femmes et enfants dans un campement républicain durant les guerres de la Révolution, dessin de Béricourt, 1793 - source : Gallica-BnF

La presse naissante n’a de cesse de revenir sur les hauts faits d’armes des soldates de la Convention, égéries républicaines et précieuses aides sur le front. Toutefois, celles-ci sont ordonnées de rejoindre leur domicile en 1793, sans la moindre explication.

Le 30 avril 1793, la Convention décide de chasser des armées les nombreuses femmes qui, compagnes, prostituées ou cuisinières, suivent les soldats. Seules pourront rester les blanchisseuses et vivandières. Et le décret précise : 

« Art 11. Les femmes qui servent actuellement dans les armées seront exclues du service militaire : il leur sera donné un passeport et cinq sols par lieue pour rejoindre leur domicile. »

Qui étaient donc celles visées par cet article ajouté sans explication ? Et pourquoi exclure ces combattantes qui n’étaient pas du tout « inutiles au service » ?

À peine un mois après l’entrée en guerre, la presse rapportait déjà les exploits des sœurs Fernig sur la frontière nord :

« Dans le courant du mois de Mai [nuit du 29-30 mai 1792], Mortagne village près de ce camp [Maulde] fut attaqué par un corps de hulans : Félicité et Théophile Fernig, âgées de 16 et 17 ans, filles du greffier, voyant leur village attaqué s’habillèrent en hommes, prirent un fusil & furent avec la troupe au-devant de l’ennemi. 

Depuis ce jour toutes les fois que l’ennemi paroit, elles en usent de même ; & comme c’est presque tous les jours elles sont sans cesse habillées en homme, afin d’être plutôt prêtes à partir. 

Depuis que nous sommes ici, presque toutes les nuits elles vont en patrouille avec nos soldats ; elles les conduisent. La nuit du 10 au 11 [juillet] elles tirèrent au moins chacune plus de vingt coups de fusil. Elles ne redoutent rien ; elles affrontent la mort avec un courage vraiment héroïque… »

Participant à divers combats, « aussi modestes que courageuses, sans cesse aux avant-gardes et dans les postes les plus périlleux, elles sont respectées et honorées au milieu de l’armée » ; aides de camp de Dumouriez, elles sont avec lui à Valmy, Jemmapes, Nerwinden, avant de le suivre dans sa désertion et son exil.

Moins célébrées par la presse, des dizaines d’autres femmes se battent pourtant aussi sous les uniformes de canonniers, grenadiers, gendarmes, fusiliers, chasseurs, muletiers. Majoritairement très jeunes, elles s’enrôlent souvent à l’été ou l’automne 1792 lors de l’invasion prussienne.

Si beaucoup se déguisent en homme, d’autres ne cachent pas leur identité féminine. Plusieurs combattent en famille, au côté de parents. Agée de 19 ans, Rose Barrau, dite Liberté, part ainsi avec son frère et son mari :

« Le second bataillon du Tarn […] est commandé pour aller attaquer une redoute espagnole : Leyrac & Liberté Barrau son épouse, tous deux grenadiers, marchent à l’ennemi à côté l’un de l’autre. Le frère de Liberté Barrau est aussi dans les rangs ; le combat s’engage, l’artillerie tonne de toutes parts. Barreau voit e...

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