Chronique

Écrire la débâcle : les journaux français pendant la Guerre de 1870

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« Carte drôlatique d'Europe pour 1870 » par Hadol et Marchandeau, 1870 - source : Gallica-BnF

Alors que l’état-major français refuse de s’épancher sur les défaites essuyées contre l’armée prussienne, la presse française est contrainte de s’appuyer sur les dépêches allemandes via la presse étrangère pour rédiger ses articles. Ce qui en sort est souvent déconcertant.

En 1870, tandis que les Espagnols se cherchent un roi, la France et la Prusse de Guillaume présentent chacune leur candidat. La presse espagnole se divise suivant les prétendants, mais surtout suivant leur pays d’origine. Le choix s’arrête finalement sur le prince de Hohenzollern, ce qui provoque la colère française. Les protestations parisiennes s’appuient sur les réactions également déçues de la presse étrangère, le Times en tête.

Avec un certain goût du paradoxe, on souligne à Paris qu’il s’agit d’un petit fils…de Murat, celui-là même qui dirigea la répression à Madrid lors du fameux « Dos de Mayo », immortalisé par Goya. Le retrait du candidat allemand ne tempère pas le courroux du Second Empire, attisé par le chancelier Bismarck. Sous la forme d’un ultimatum, la France exige des gages de la Prusse ; la guerre s’engage le 19 juillet 1870.

À Paris, on s’enquiert avec anxiété de l’attitude de pays voisins, à travers la presse étrangère. À l’ère du chemin de fer et du télégraphe, l’information s’est accélérée tandis que les sources se sont multipliées, autant que l’appétit  pour l’actualité. La déclaration de guerre est l’occasion pour les rédactions d’ouvrir une nouvelle rubrique consacrée à l’attitude des puissances européennes.

L’ultimatum français n’est guère apprécié à Madrid, et les journaux espagnols font part de leur incompréhension. C’est donc dans la presse viennoise que l’on vient se rassurer. La double monarchie, sévèrement battue par la Prusse quatre ans plus tôt, appuie la fermeté française face à l’outrecuidance de Bismarck. On veut croire alors à l’établissement d’une alliance austro-française, mais aussi franco-danoise, puisque le royaume nordique figure également parmi les récents vaincus de la Prusse. 

La grande déception, c’est « l’infidèle » Albion. Victoria déclare ainsi la neutralité de la Grande-Bretagne et interdit à ses sujets de s’engager aux côtés de la France.

Les dépêches, c’est la guerre des nerfs. Au-delà du fait d’être un simple véhicule de l’information, elles participent à façonner les opinions publiques étrangères en formant le matériau de base des gros bataillons de pigistes de la presse, pléthorique, des capitales. On le sait à Paris, où l’on édite à cet effet des « gazettes » en langue étrangère, comme El Correo de Europa, en direction des mondes hispanophones.

Mais, malgré son bellicisme, la presse française est tenue à l’écart des opérations par l’état-major, à sa très grande déception. Les correspondants étrang...

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