Chronique

L’Ancien Régime et la naissance de l’espionnage moderne

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Supplice d'un Espion de la Police, estampe, 8 juillet 1789 - source : Gallica-BnF

Les mutations techniques apparues à la fin du Moyen Âge ont favorisé le développement de l’espionnage. À la mesure de l’accélération de la mobilité des informations en Europe, gazettes et diplomates alimentent la connaissance et attisent la soif de « renseignements ».

Cet article est paru initialement sur le site de notre partenaire, le laboratoire d’excellence EHNE (Encyclopédie pour une Histoire nouvelle de l’Europe).

La volonté de pénétrer les décisions des autorités, adverses ou non, est une réalité pérenne des civilisations européennes – depuis les premiers témoignages du passé, de Rome jusqu’à nos jours. Si cette tentation est une constante dans l’histoire du continent, les conditions de sa réalisation évoluent très fortement selon les sociétés et selon les moyens techniques à leur disposition.

Les pratiques de renseignement évoluent suite aux bouleversements de la « révolution de l’écrit », à la fin du Moyen Âge. Ses conséquences sur la circulation de l’information dans l’ensemble du monde occidental sont déterminantes pour la naissance de véritables services secrets.

L’institutionnalisation de l’espionnage

La péninsule italienne préfigure nombre d’innovations dans les usages du renseignement politique. La révolution communale et l’émergence des cités-États modifient les conditions de l’espionnage. Dès le milieu du XIIIe siècle, les cités de Sienne, Florence, ou Mantoue se dotent d’outils pour recueillir les informations adverses. Le conflit avec l’empereur pour le contrôle de l’Italie favorise la naissance de ces réseaux de renseignement. À Sienne, cinq Ufficiale sopra le spie (superviseurs des espions) sont ainsi attestés dès 1252.

La république de Venise occupe une place originale dans le monde de l’espionnage, par son emploi systématique de certaines méthodes pour obtenir des renseignements ; elle ouvre une ère du soupçon. L’emploi de la délation, notamment à partir du XVIe siècle, y est célèbre : par la Bocca di Leone, boîte aux lettres encastrée dans le mur du palais des Doges, la population est invitée à glisser les noms de comploteurs. Le dispositif de surveillance se perfectionne en 1539 par la création d’i...

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