Chronique

Un imperceptible appel au monde : le suicide de Stephan Lux à la SDN

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Exemplaire du télégramme envoyé par Stephan Lux à la SDN, 1936 - source : UN Archives Geneva Blog

En 1936, un journaliste tchécoslovaque juif se tire une balle dans la poitrine devant un parterre de diplomates éberlués. Derrière le geste, une idée : l’inutilité de la Société des nations devant le danger chaque jour plus grand de l’hitlérisme.

« Hier matin, les amis de Stephan Lux conduisaient sa dépouille mortelle dans un petit cimetière français près de la Suisse. Des discours furent prononcés, des sanglots secouèrent les assistants, la veuve de Lux et son fils restaient, là, atterrés de tant de douleur brutale. Stephan Lux, voyons, qui est-ce ?

Vous n’avez peut-être pas retenu son nom, encore qu’il y ait deux jours il fut imprimé dans tous les journaux du monde et prononcé par tous les diffuseurs de TSF. Si vous ne l’avez pas encore oublié, dans quelques jours sans doute vous ne vous en souviendrez plus. Vous savez, c’est ce journaliste tchécoslovaque qui s’est tiré une balle de revolver dans le cœur en pleine séance de la SDN pour attirer la pitié du monde sur ses coreligionnaires persécutés.

Oh ! dira-t-on bientôt chez ses ennemis politiques, c'était un déséquilibré, un neurasthénique, un exalté. À quoi rime son geste de désespéré ? »

Ainsi s’exprimait, sous le titre volontairement provocateur de « Le geste inutile », le chroniqueur du journal Le Quotidien.

À Genève, l’humanité était entrée par effraction dans l’arène des diplomates. Là où, de l’Éthiopie à la Chine, le destin de millions d’êtres était négocié, une vie s’était envolée au Palais des Nations. Retour sur un fait divers international minuscule, immédiatement balayé de l’histoire.

Décidément, en ce début juillet 1936, les assemblées plénières de la Société des nations ne se déroulaient plus sans qu’éclatent de dramatiques incidents. Et ce n’étaient pourtant pas les délégués des nations assemblées qui faisaient le spectacle ; ils étaient au contraire devenus le public atterré de ces drames jaillis vers eux depuis les parterres occupés par la presse.

Le 4 juillet, le quotidien L’Homme Libre  s’interrogeait :

« Pourquoi faut-il que tant d'incidents « en marge » viennent apporter de nouveaux éléments de trouble à une situation déjà confuse et lourde d'incertitudes ? »

Après l’occupation désormais presque totale de l’Éthiopie par l’Italie fasciste et les appels à l’aide et au droit demeurés sans échos de son souverain, lâ€...

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