Dans une allocution exceptionnelle donnée le lundi 8 août 2016, l'empereur du Japon, Akihito, a ouvert la voie à son abdication. Celle-ci, toutefois, si elle n'est pas prévue par la constitution, n'a de toute façon guère d'importance politique puisqu'au Japon, le rôle de l'empereur est aujourd'hui seulement symbolique. En revanche, le père de Akihito, Hirohito, à qui il succéda, joua quant à lui un rôle considérable dans l'histoire du XXe siècle.
Hirohito fut empereur de 1926 à sa mort en 1989, ce qui fait de son règne le plus long de toute l'histoire du Japon (62 ans). Dans les années 20 et 30, la presse française s'est beaucoup intéressée à lui. En 1921, sa visite en France (il n'était encore que prince) fut ainsi relayée par les journaux. L'Ouest-Eclair du 5 juin nous apprend ainsi qu'il s'est rendu à Fontainebleau et qu'il « a visité l'école d'application de l'artillerie sous la conduite du maréchal Pétain ». Son intronisation en tant qu'empereur, le 10 novembre 1928, fut également abondamment commentée.
Le 2 juin 1934, Paris-Soir annonce en Une une entrevue exceptionnelle avec Hirohito (qu'on préfère appeler Shōwa Tennō au Japon), qui a accordé au journaliste Jules Sauerwein une audience privée. Mais le contenu de cette entrevue longuement décrite est plutôt décevant, se résumant à un échange de banalités. « Le mikado, en dépit du culte qui fait de lui un Dieu national et de l'apparat qui l'entoure, reçoit avec une cordialité très simple », apprend-on en outre. Le journaliste ajoute :
« Le Japon a le culte impérial. C'est un grand bienfait pour le Japon que d'avoir ce culte. Par une évolution sans précédent, ce pays est monté intellectuellement et politiquement, en moins d'un demi-siècle, au niveau des plus grandes nations. L'effort a été tel que par moments il a produit dans tout l'organisme une sorte d'ivresse et de déséquilibre, et que les actes politiques, comme les entreprises d'expansion ont témoigné d'un peu de fébrilité, dont sa diplomatie porte la marque. »
Le journaliste de Paris-Soir est indulgent. En 1934, le règne de Hirohito était déjà marqué par l'invasion de la Mandchourie en 1931, qui se poursuivra en 1937 par l'invasion du reste de la Chine. Celle-ci donnera lieu à d'innombrables atrocités contre les populations civiles, Hirohito n'hésitant pas à utiliser contre elles des armes chimiques. Et en 1941, l'empereur s'alliera avec l'Allemagne nazie et déclenchera la guerre du Pacifique avec l'attaque de Pearl Harbor, le 8 décembre de la même année. Après-guerre, Hirohito demeure empereur. Mais la nouvelle constitution mise en place le 3 mai 1947 lui ôtera tout pouvoir politique. Il est par ailleurs officiellement déchu de son statut de demi-dieu.
Il faudra attendre les années 1990 et l'analyse des archives japonaises pour que son l'implication personnelle lors de l'invasion de la Chine et pendant la guerre soit démontrée.
Ecrit par
Pierre Ancery est journaliste. Il a signé des articles dans GQ, Slate, Neon, et écrit aujourd'hui pour Télérama et Je Bouquine.