1943. L'année s'ouvre sur de sombres perspectives pour le Duce et son régime. L'Italie est affaiblie par le conflit dans lequel elle est engagée, aux côtés d'Hitler, depuis juin 1940. Le grand dessein fasciste de Mussolini s'étiole.
Le 25 juillet, Mussolini est convoqué par le roi, remplacé par le maréchal Badoglio et emprisonné. Début septembre, tout s'accélère : les alliés débarquent en Italie, qui annonce sa capitulation. Mais Hitler ne veut rien céder : le 12 septembre, il donne l'ordre aux parachutistes allemands de libérer Mussolini.
Paris-Soir, alors aux mains de la propagande allemande comme la majorité des journaux français relayant le "sauvetage" de Mussolini, consacre une édition spéciale à l'événement.
Cela commence par la publication du communiqué officiel d'Hitler :
"Le Grand Quartier Général du Führer a publié, hier, le communiqué spécial suivant :
Les parachutistes allemands, les hommes du service de sûreté et des armes S.S. ont effectué, dimanche, un coup de main pour libérer le Duce, tenu en captivité par la clique des traîtres. Le coup de main a réussi ; le Duce est en liberté. Le projet du gouvernement Badoglio de livrer le Duce aux Anglo-Américains se trouve ainsi déjoué."
Il s'agit d'"un des exploits les plus osés et les plus sensationnels de la guerre", selon le correspondant de l'agence de presse Reuter, rapporte Paris-Soir, qui décrit les scènes de liesse qui suivirent l'annonce de la nouvelle à Rome :
"Aucune nouvelle n'a jamais soulevé une aussi grande émotion dans la capitale italienne que celle de la libération du Duce par les soldats allemands. Pendant la nuit, des voitures munies de haut-parleurs de l'armée allemande parcourent la ville pour répandre la nouvelle. En quelques instants, les rues de Rome, vides quelques heures auparavant, se remplissent de monde."
À Berlin, la nouvelle, diffusée à la radio, déchaîne aussi les passions patriotes :
"L'imagination des auditeurs a été excitée plus particulièrement par le fait que la libération du Duce a été effectuée par des parachutistes. On se représente la surprise de la garde placée par l'ennemi et chargée de la surveillance du prisonnier Mussolini lorsque l'audacieuse équipe tomba du ciel au milieu d'elle pour enlever le Duce."
"Mussolini va former un nouveau gouvernement et créer une armée fasciste", se félicite Paris-Soir le lendemain :
"Il est probable que durant les prochains jours le Duce consacrera une grande partie de ses efforts à la création d'une armée fasciste qui ne se composera que d'hommes sûrs, prêts à la lutte et parfaitement équipés."
La libération de Mussolini est en réalité le début d'une guerre d'un an et demi qui ravagera l'Italie. Le 13 octobre 1943, tandis que Mussolini organise dans le nord du pays la République sociale italienne, le royaume d'Italie déclare la guerre à l'Allemagne.
Ecrit par
Marina Bellot est journaliste indépendante, diplômée de l'Ecole de journalisme de Sciences Po. Elle a co-fondé en 2009 Megalopolis, un magazine d'enquêtes et de reportages sur la métropole parisienne, qu'elle a dirigé pendant trois ans. Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages pédagogiques à destination des adolescents et a co-écrit une biographie de Jean-François Bizot, L'Inclassable, parue chez Fayard en 2017.