Écho de presse

C'était à la une ! Le Caire, 1798 : dépêche du général Bonaparte

le 16/12/2022 par RetroNews
le 31/01/2018 par RetroNews - modifié le 16/12/2022
La bataille des Pyramides, image d'Epinal ; 1892 - source Gallica BnF

La lecture du jour présente les nouvelles envoyées par le général Bonaparte après son entrée au Caire en 1798 durant la campagne d’Égypte.

En partenariat avec "La Fabrique de l'Histoire" sur France Culture

Cette semaine : "Suite des dépêches envoyées au directoire exécutif par le général en chef Bonaparte du Caire, 6 thermidor an 6", Gazette nationale ou Le Moniteur universel, 22 octobre 1798.

Lecture par : Christophe Brault

Réalisation : Séverine Cassar

 

« Suite des dépêches envoyées au directoire exécutif par le général en chef Bonaparte du Caire, 6 thermidor an 6

[...] Bataille des pyramides [...]

Plus de quatre cents chameaux chargés de bagages, cinquante pièces d'artillerie sont tombés en notre pouvoir. J’évalue la perte des Mamelouks à deux mille hommes de cavalerie d’élite. Une grande partie des beys a été blessée ou tuée. Mourat bey a été blessé à la joue. Notre perte monte à 20 ou 30 hommes tués et à 120 blessés. Dans la nuit même, la ville du Caire a été évacuée [...] ; et le 4, nos troupes sont entrées au Caire. [...] Le Caire, qui a plus de trois cents mille habitans [sic], a la plus vilaine populace du Monde.

Après le grand nombre de combats et de batailles que les troupes que je commande ont livré contre des forces supérieures, je ne m'aviserais point de louer leur contenance et leur sang-froid dans cette occasion, si véritablement ce genre de guerre tout nouveau n’avait exigé de leur part une patience qui contraste avec l’impétuosité française. S'ils se fussent livrés à leur ardeur, ils n'auraient point eu la victoire, qui ne pouvait s’obtenir que par un grand sang-froid et une grande patience.

La cavalerie des Mamelouks a montré une grande bravoure. Ils défendaient leur fortune, et il n'y a pas un d'eux sur lequel nos soldats n’aient trouvé trois, quatre et cinq-cents pièces d’or. Tout le luxe de ces gens-ci était dans leurs chevaux et leur armement : leurs maisons sont pitoyables. Il est difficile de voir une terre plus fertile, et un peuple plus misérable, plus ignorant et plus abruti. Ils préfèrent un bouton de nos soldats à un écu de six francs. Dans les villages, ils ne connaissent pas même une paire de ciseaux. Leurs maisons sont d’un peu de boue ; ils n'ont pour tout meuble qu’une natte de paille et deux ou trois pots de terre. Ils mangent et consomment en général fort peu de chose. Ils ne connaissent point l’usage des moulins, de sorte que nous avons constamment bivouaqué sur des tas immenses de blé sans pouvoir avoir de farine. [...] Le peu de grains qu’ils convertissent en farine, ils le font avec des pierres, et dans quelques gros villages, il y a des moulins que font tourner les bœufs.

Nous avons été continuellement harcelés par des nuées d’Arabes, qui sont les plus grands voleurs et les plus grands scélérats de la terre, assassinant les Turcs comme les Français, tout ce qui leur tombe dans les mains.

Le général de brigade Muireur et plusieurs autres aides-de-camp et officiers de l’état-major ont été assassinés par ces misérables. [...] Le générai Muireur, malgré les représentations de la grande garde, seul, par une fatalité que j’ai souvent remarqué accompagner les hommes qui sont arrivés à leur dernière heure, a voulu se porter sur un monticule à deux cents pas du camp. Derrière étaient trois Bédouins qui l'ont assassiné. La République fait une perte réelle : c’était un des généraux les plus braves que je connusse.

Il y a dans ce pays-ci fort peu de numéraire ; beaucoup de blé, de riz, de légumes, de bestiaux. La République ne peut pas avoir une colonie plus à sa portée et d'un sol plus riche. Le climat est très sain, parce que les nuits sont fraîches. Malgré quinze jours de marche, de fatigues de toute espèce, la privation absolue du vin et même de tout ce qui peut alléger la fatigue, nous n'avons point de malades. Le soldat a trouvé une grande ressource dans les pastèques, espèce de melons d’eau, qui sont en très grande quantité.

L’artillerie s’est spécialement distinguée [et] je vous prie de faire payer une gratification de 1 200 francs à la femme du citoyen Larrey, chirurgien en chef de l'armée. Il nous a rendu, au milieu du désert, les plus grands services, par son activité et son zèle. C'est l’officier de santé que je connaisse le plus fait pour être à la tête des ambulances d'une armée.

Signé, Bonaparte. »

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