Écho de presse

La bataille d'Adoua : victoire militaire de l'Éthiopie sur l'Italie colonisatrice

le 06/03/2021 par Marina Bellot
le 29/06/2018 par Marina Bellot - modifié le 06/03/2021
L'empereur d'Éthiopie Menelik II à la bataille d'Adoua, illustration tirée de la couverture du Petit Journal, 28 août 1898 - source : RetroNews-BnF

La bataille d'Adoua, en mars 1896, consacre la victoire du royaume d'Éthiopie dirigé par l'empereur Menelik II – cet événement décisif marque la fin de la politique d'expansion coloniale de l'Italie.

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les puissances européennes colonisent la plus grande partie du continent africain. Avec l’ouverture du canal de Suez en 1869, la Corne de l'Afrique occupe en particulier une place stratégique – et devient l'objet de toutes les convoitises. 

Le royaume d'Italie entre tardivement dans cette « course à l'Afrique ». Débutée en 1871, son expansion s'axe sur l'Afrique de l’Est, jusqu’à former la colonie d'Érythrée, au nord de l'Éthiopie, le 1er janvier 1890. 

Dès la fin 1890 cependant, l'empereur – ou « négusse » – éthiopien Menelik II, affirme à son tour sa souveraineté sur la scène internationale : malgré les menaces répétées, il refuse le protectorat qu’essaie d’imposer l’Italie à son pays. En juin 1894, il soumet complètement le Tigré.

L’Italie ne renonce pas pour autant à étendre son influence et envahit le pays un an plus tard, en 1895.

En France, l’empereur Menelik II, tout à la fois attaché aux traditions éthiopiennes et réformateur, ouvert à l’Occident et clamant son amour de la France, a souvent bonne presse. 

En 1895, Le Petit Caporal commente la résistance de Menelik face aux velléités expansionnistes de l’Italie : 

« Le Négus aime la France [...] cependant que les Italiens ne trouvaient auprès de lui, malgré leurs efforts constants, que défiance et hostilité. 

Cette aversion du Négus s’est encore accrue depuis que les Italiens, aux termes du fameux traité d'Ucciali, revendiquèrent un droit de protectorat sur l’Abyssinie. 

C'est pour protester contre ces prétentions et pour maintenir l'intégrité de ses droits souverains que Menelik a, durant ces dernières années, soutenu contre les Italiens une lutte dont les hostilités actuelles paraissent devoir constituer la phase décisive. »

Le 1er mars 1896, l’Italie tente une offensive surprise. 100 000 Éthiopiens se soulèvent, répondant à l'appel de leur empereur. Déterminés et bien équipés, ils écrasent une armée italienne de 18 000 hommes (dont 10 000 Européens) près de la localité d'Adoua.

La défaite des Italiens fait immédiatement grand bruit en Europe. Le Matin rapporte : 

« Le communiqué officiel donnant les premiers détails sur la défaite d'Adoua n'a été rendu public que vers deux heures du matin.

L'impression est énorme. Dans toute l'Italie règne une agitation fiévreuse. L'affolement est général.

La perte de l'artillerie, qui est de plus de soixante canons, produit une grande sensation. [...]

Les Italiens auraient perdu plus de 5 000 hommes, au cours de la bataille d'Adoua. »

Le 5 mars, Le Petit Journal peut annoncer que la bataille d’Adoua est un « désastre ». 

En effet, les conséquences en Italie sont catastrophiques, l’opinion se retournant massivement contre le gouvernement. Et sur le plan international, l'Italie sort humiliée de cette bataille éclair contre un ennemi réputé faible.

Dès l’annonce de la défaite, des dizaines de milliers de personnes manifestent dans tout le pays pour protester contre la politique expansionniste italienne dans la Corne de l’Afrique : 

Le Petit Journal détaille : 

« Des télégrammes de Milan donnent les détails suivants sur l'imposante manifestation qui a eu lieu dans cette ville contre la politique africaine : trente mille personnes y ont participé.

La force publique a dû intervenir, et la foule a été chargée à la baïonnette. Il y a eu un mort et plusieurs blessés. Un carabinier a été désarmé, un agent de police a reçu un coup de couteau, et un inspecteur de police a été blessé. 

On a prononcé de violents discours contre la politique du gouvernement et la Constitution. 

La manifestation a duré jusqu'à deux heures du matin. Les femmes y ont pris part. 

Des nouvelles privées de Pavie annoncent que la population, très surexcitée à la suite du désastre, a empêché les soldats de partir pour l'Afrique. [...] 

Les étudiants de Pavie ont voté un ordre du jour invitant leurs camarades des autres Universités à protester contre l'expédition d'Afrique. 

Des télégrammes de Bergame, Crémone, Parme, Lodi, Forli, Monza, Modène, Vérone, Pavie, Palerme, Pênes, Cunéo, signalent de nouvelles manifestations contre l’entreprise africaine. »

Le président du Conseil Francesco Crispi, contraint à la démission, est remplacé le 10 mars 1896 par Antonio Starabba, dont le gouvernement abandonne tout projet d'expansion coloniale.

La bataille d'Adoua clôt une fin de XIXe siècle marquée par diverses tentatives de pénétration sur le territoire éthiopien. On estime qu'au moins 6 000 Européens périrent dans le désastre, que 1 500 furent blessés et 1 800 furent faits prisonniers. 

L'Italie, occupant les territoires somalien et érythréen, tentera une nouvelle fois d'envahir le pays sous l'impulsion de Mussolini, en 1935, entraînant une guerre dont sortiront finalement vainqueurs la Grande-Bretagne et l'empereur Haïle Sélassié.

Notre sélection de livres

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La bataille d'Adoua
Jules Petetin
Un grand politique, S. M. l'empereur Ménélik II, roi des rois d'Éthiopie
Robert Chauvelot
Histoire de l'Éthiopie
Louis-J. Morié