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Écho de presse

La haine du « Boche », sujet omniprésent des journaux de tranchées

Dans leurs journaux de tranchées, sous forme de poèmes, de dessins, de « blagues » ou parfois de pamphlets, les Poilus ont usé de tous les genres journalistiques afin de dénoncer la supposée « barbarie » allemande – et ainsi, déshumaniser l'ennemi.

poilusAllemandsxénophobieGuerrePremière guerre mondiale
Marina Bellot

Ecrit par

Marina Bellot

Publié le

11 octobre 2018

et modifié le 24 février 2025

Image de couverture

Dessin intitulé « Gueule de Boches » paru dans le journal de tranchées Le Front, 1er septembre 1916 - source : RetroNews-BnF

Dans leurs journaux de tranchées, sous forme de poèmes, de dessins, de « blagues » ou parfois de pamphlets, les Poilus ont usé de tous les genres journalistiques afin de dénoncer la supposée « barbarie » allemande – et ainsi, déshumaniser l'ennemi.

Au cœur de la Grande Guerre, la haine de l'ennemi allemand est l'un des thèmes récurrents des journaux de tranchées, qui deviennent un exutoire pour les soldats. La germanophobie est ainsi constamment affirmée, la prétendue « barbarie » allemande inlassablement dénoncée.

Le drapeau allemand, devenu symbole par excellence de cette cruauté, est conspué : 

« Drapeau déshonoré dans toutes tes couleurs :
Rougi du sang versé d’innocentes victimes,
Blême de rage après l'affront que nous te fîmes,
Et noirci de forfaits, source d’immenses pleurs,

Tu ne connaîtras plus le triomphe des fleurs,
Tu ne flotteras plus sur d’orgueilleuses cimes.
Nous le rejetterons de nos butins opimes,
Tu ne seras jamais qu’un fanion de voleurs !

En vain pour t’exalter Guillaume le Barbare
Vantera sa “Kultur”, elle n’est qu’une tare :
Place aux civilisés dont voici le retour.

Les crimes allemands méritent leur salaire :
Nous le leur donnerons en bouleversant l'aire
De l'aigle impérial, exécrable vautour ! »

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Après la première utilisation par l'armée allemande d'un gaz mortel, le chlore, au mois d'avril 1915, le ressentiment des Poilus semble à son comble.

Dans un nouveau poème  publié en février 1916, cette fois par L'Écho des gourbis, les « vils procédés » de l'ennemi sont dénoncés, et opposés à une idée de la loyauté française (pour autant, les Alliés, eux aussi, utiliseront massivement des gaz mortels) :

« Pour notre défense, 
Bien des armes sont employées, 
Mais notre belle France 
N’emploiera jamais les gaz empoisonnés ! [...]

L’Allemagne, notre ennemie, 
A c’bas et vil procédé, 
Mais notre patrie 
Est bien trop loyale pour qu’elle puisse l’imiter. 

Allons vite, chassons du pays 
Ces bandits à l’âme criminelle. 
Tous ensemble, faut lutter contre la barbarie, 
En faisant glorieuse la Patrie. 

Nous écraserons
Tous ces maudits Teutons. [...]
Inutile de tout relever, 
Les crimes commis par tous ces boches hideux 
N’ayant aucune humanité, 
Les provinces sont à sang et à feu, 
Pour le sang de tant d’innocents, 
Il ne faut pas de pitié pour eux. 
»

Déshumaniser ou ridiculiser l'ennemi est l'un des procédés utilisés par les soldats pour trouver la force de poursuivre les combats.

La figure du « Boche » revêt plusieurs formes : il est tantôt cruel et sanguinaire, tantôt tourné en ridicule comme dans ce conte intitulé « Fritz le Boche »  publié en août 1916 dans Hurle obus, où l'Allemand est représenté sous les traits les plus caricaturaux et présenté comme « bon à tuer » : 

« Fritz le Boche était un gros allemand âgé d’environ 35 ans, à la figure rougeaude, aux cheveux filasse et au nez épaté surmontant une bouche énorme. 

Sur ce nez aplati chevauchait un lorgnon doré, marque indiscutable d’un bureaucrate boche. 

Ainsi que les Boches, ses frères, il aimait la choucroute et le lard ; il avait une passion pour la bière et fumait la pipe comme un sapeur français. 

Ce régime l’avait rendu gros à souhait et, quand la guerre l’appela sous les drapeaux, reluisant de graisse sur toutes les coutures, il était vraiment bon à tuer ! »

Quant à la figure du Boche inhumain et tortionnaire, elle hante les soldats jusque dans leurs cauchemars :

« Au fond de mon abri étroit et ténébreux, dans le fracas assourdi des marmites et des bombes, ce cauchemar atroce hanta mon sommeil : sept Boches, frise vivante, marchaient en file dans le chaos d’une ville meurtrie ; sept boches typiques... laids à souhait, soldats de l’Invasion et du Crime ! 

En tête le chef cambré, raide, perçait la nuit de son œil fauve ou daignait embrasser d’un regard vainqueur et satisfait les ruines croulantes, les lueurs sinistres des brasiers ardents et l’ombre atroce des cadavres, sur le sol bouleversé et sanglant.

Cynique, il allait par la nuit lourde de crimes et de douleur, et les nuages épais d'une fumée âcre et noire couvraient la cité comme un voile de deuil. »​

Les dessins publiés dans les journaux de tranchées donnent également à voir la cruauté fantasmée de l'ennemi.

Cette germanophobie sera largement perçcue et commentée par les Allemands eux-mêmes. En juillet 1917, Le Mercure de France se fera ainsi l'écho d'un extrait d'un opuscule sur l'argot militaire trouvé dans une tranchée, et consacré au terme « boche » :

« Les Français nous appellent, nous autres Allemands, des Boches. Troupier ou civil, jeune ou vieux, homme ou femme, peu cultivé ou arrivé au pinacle de la sagesse, nous sommes les Boches.

Et les linguistes de Paris se donnent le plus grand mal pour démontrer par leurs articles dans les journaux ou dans des livres entiers, que le vocable boche désigne un être aux qualités les plus basses et les plus méprisables qui puissent s'imaginer, un être bien au-dessous des nègres et même inférieur aux bêtes.

Un journal de tranchées français s'appelle Le Bochophage (mangeur de Boches). »​ 

Le terme xénophobe « boche » aura encore de beaux jours devant lui à l'issue de la Première Guerre mondiale. Traumatisés par ces quatre années d'horreur, les observateurs français l'emploieront régulièrement dans la presse des années 1920 et 30, et jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Depuis les années 1950, l'emploi du mot est peu à peu tombé en désuétude.

– 

Pour en savoir plus :

Michel Baumont,  L'obsession du Boche ou les angoisses d'une victoire (en lisant les journaux niçois d'octobre 1918 à mars 1919), in: Cahiers de la Méditerranée, 1973

Sonia Branca-Rosoff,  Conventions d'écriture dans la correspondance des soldats, in: Mots, les langages du politique, 1990

Mots-clés

poilusAllemandsxénophobieGuerrePremière guerre mondiale
Marina Bellot

Ecrit par

Marina Bellot

Marina Bellot est journaliste indépendante, diplômée de l'Ecole de journalisme de Sciences Po. Elle a co-fondé en 2009 Megalopolis, un magazine d'enquêtes et de reportages sur la métropole parisienne, qu'elle a dirigé pendant trois ans. Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages pédagogiques à destination des adolescents et a co-écrit une biographie de Jean-François Bizot, L'Inclassable, parue chez Fayard en 2017.

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