Écho de presse

Gettysburg, grand tournant de la Guerre civile américaine

le 16/12/2022 par Michèle Pedinielli
le 14/04/2020 par Michèle Pedinielli - modifié le 16/12/2022
Bataille de Gettysburg, tableau de Thure de Thulstrup, 1887 - source : Library of Congress-WikiCommons
Bataille de Gettysburg, tableau de Thure de Thulstrup, 1887 - source : Library of Congress-WikiCommons

Bataille décisive de la guerre de Sécession, Gettysburg voit s'opposer en juillet 1863 les forces du général Meade (Fédéraux) à celles du général Lee (Confédérés). Après plusieurs victoires, le Sud s’effondre devant les troupes yankees. Ce sera le début d’une longue série de défaites.

Le 22 juillet 1863, plus de vingt jours après les faits, il est encore impossible pour les journaux français de se faire une idée précise de la tournure de la bataille de Gettysburg (Pennsylvanie) qui a vu s’opposer Confédérés sudistes et Fédéraux nordistes – ou yankees – du 1er au 3 juillet.

« Dans l'impossibilité de contrôler en ce moment la version fédérale de la bataille qui a été livrée près de Gettysburg, le 3 juillet, nous nous bornerons, pour aujourd'hui, à donner le rapport adressé par le nouveau commandant en chef de l'armée du Potomac au président Lincoln :

“[…] Après avoir repoussé les attaqués, certains indices faisant soupçonner que l'ennemi battait en retraite, une forte reconnaissance fut poussée sur la gauche où on le trouva en force.

À l'heure où j'écris, tout est tranquille.” »

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Parmi les deux seules dépêches officielles publiées par les journaux américains du 7 juillet, Le Constitutionnel relève celle du major-général fédéral George Meade :

« L’état des choses n'a pas matériellement changé depuis mon dernier télégramme.

Nous tenons maintenant Gettysburg. L'ennemi a abandonné un grand nombre de tués et de blessés sur le champ de bataille.

Je serai probablement à même de vous donner un relevé de nos captures et de nos pertes avant la nuit, ainsi que le chiffre des tués et des blessés confédérés tombés entre nos mains. »

Le lendemain matin toutefois, les contours de la bataille deviennent plus précis et le résultat des trois jours de combat ne fait plus de doute : il s’agit d’une victoire complète pour les Fédéraux, après plusieurs défaites enregistrées les mois précédents et deux ans de guerre civile.

« Le général Lee possède pourtant une armée supérieure en nombre et a posté des fantassins dans Gettysburg jusque dans les clochers des églises. Les troupes de Meade sont postées sur les hauteurs, notamment sur Cemetery Hill.

Grâce à la disposition particulière du terrain, la ligne de Meade ne s’étendait point en ligne droite, mais formait comme un vaste coin; de façon que l’extrême gauche et l’extrême droite n’étaient qu’à petite distance. Cette disposition, très extraordinaire, servit beaucoup les fédéraux, parce que la tactique habituelle des confédérés étant toujours, à un moment donné de la bataille, de faire avancer des colonnes profondes sur un des flancs fédéraux, afin d’y faire une trouée et de l’écraser.

Meade se trouvait placé de manière à pouvoir, à volonté et en très peu de temps, fortifier chacune de ses ailes avec ses réserves, et même avec les troupes de l'aile momentanément la moins en péril. »

Servi par la disposition des lieux, Meade amène sur la colline toute l’artillerie de réserve, creuse des tranchées et construit de petits fortins. Cemetery Hill devient alors une place fortifiée qui contient les attaques confédérées au deuxième jour de la bataille.

« La bataille ne fut interrompue qu'à la nuit. Les confédérés furent contraints d'abandonner sur le champ de bataille leurs morts et un grand nombre de blessés.

“Vers dix heures, dit un témoin oculaire, le vent dissipa la fumée qui avait obscurci jusque-là l'atmosphère, et la lune vint éclairer un véritable champ de carnage.

En face de quelques brigades du Nord, qui s'étaient trouvées protégées par des murs ou par d'infranchissables haies, les morts du Sud étaient entassés par monceaux. Devant la brigade Webb, les cadavres cachaient presque entièrement la terre.”

Le grand talent du général Meade, dans cette seconde journée, consiste surtout à avoir admirablement disposé son armée, et surtout son artillerie. Il n'avait rien laissé à l’imprévu. »

Le troisième jour, ce sont les Nordistes qui déclenchent la bataille au petit matin, prenant de cours le général Lee qui comptait attaquer le flanc gauche de Meade comme les jours précédents. Le commandant sudiste prend la décision de canonner les lignes ennemies pour vaincre la résistance. Pendant deux heures, les quelque cent cinquante canons Confédérés pilonnent les positions de l’armée de l’Union.

On estime aujourd’hui ce bombardement comme le plus important de toute la guerre de Sécession. Malgré le feu nourri, les lignes unionistes ne rompent pas. Le général Lee engage alors une charge d’infanterie, comme l’indique un correspondant du Nord traduit dans Le Temps.

« L’assaut fut admirable ; par trois fois les colonnes profondes de l’ennemi se ruèrent contre la colline du Cimetière : notre artillerie, plus puissante sur ce point que sur tous les autres, décimait leurs rangs.

On voyait les officiers reformer les colonnes ébranlées, les entraîner à leur suite, chercher avec anxiété le long de la crête des collines, un point faible où ils pussent se jeter.

En vain, partout où ils se présentaient, ils étaient repoussés, et, après les plus grands efforts, ils durent redescendre dans la vallée, en laissant derrière eux un nombre immense de morts et de blessés. »

Connue comme la « charge de Pickett », du nom du général qui mena cet assaut sanglant, ce mouvement laisse la moitié des soldats confédérés sur le carreau.

« La canonnade recommença soudain contre le centre des fédéraux. Les séparatistes reformèrent leurs masses désorganisées et préparèrent un nouvel assaut général. Les deux ailes et le centre furent attaqués à la fois. C'était la dernière ressource et l'effort suprême du général Lee.

Mais les troupes du Nord combattaient sur leur propre sol et le résultat des attaques précédentes avait excité leur enthousiasme autant qu’il avait jeté le découragement dans les rangs des séparatistes. L'armée entière du Sud échoua contre la solidité des soldats de l'Union, qui, tout en maintenant un feu de mousqueterie des plus meurtriers, ouvraient leurs rangs avec un ordre parfait pour laisser partir de terribles décharges de bombes, de boulets, de mitraille et d'obus.

À cinq heures du soir, les confédérés, vivement repoussés sur tous les points, abandonnèrent, comme ils l'avaient fait la veille, sur le champ de bataille leurs morts et leurs blessés. »

Cette erreur stratégique majeure signe la défaite des Confédérés. Dans la soirée du 4 juillet, le général Lee ordonne à son armée de battre en retraite.

En trois jours de bataille, environ 11 000 hommes ont été faits prisonniers ou ont été portés disparus. 8 000 ont été tués. On estime à 27 000 le nombre de blessés parmi les soldats des deux camps.

La défaite contraindra le général Lee à se retirer du champ de bataille et à rentrer en Virginie. À la suite de Gettysburg et au cours des deux années jusqu’à l’issue du conflit, l’armée confédérée n’engagera plus  jamais d’offensives significatives contre les troupes yankees.

Pour en savoir plus :

Harry W. Pfanz, Gettysburg : the first day, Chapel Hill, University of North Carolina Press, coll. « Civil War America », 2001

Stephen W. Sears, Gettysburg, Boston, Houghton Mifflin, 2003