Écho de presse

25 juin 1950 : le jour où la Guerre de Corée éclata

le 28/06/2021 par Michèle Pedinielli
le 23/06/2020 par Michèle Pedinielli - modifié le 28/06/2021
Réfugiée de guerre coréenne avec son bébé, 1951 - source : Archives nationales américaines-WikiCommons
Réfugiée de guerre coréenne avec son bébé, 1951 - source : Archives nationales américaines-WikiCommons

Partitionnée entre Sud et Nord depuis la fin de la Seconde Guerre, la Corée entre dans une guerre fratricide en 1950. Sous mandat de l’ONU, les États-Unis y affrontent indirectement l’URSS et la Chine dans un conflit qui va s’étendre sur trois ans.

Depuis 1945, les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale se sont partagé la Corée, annexée par le Japon en 1910, de part et d’autre du 38e parallèle. Au Nord les Soviétiques, qui ont libéré la région ainsi que la Mandchourie ; au Sud, les Alliés victorieux de la guerre du Pacifique. Depuis le début, cette partition est source de tensions en cette période d’après-guerre que l’on nomme déjà « Guerre Froide ».

Le 25 juin, le rubicon est franchi lorsque les troupes du gouvernement communiste mis en place par Moscou franchissent le 38e parallèle et attaquent l’armée sud-coréenne – avec Séoul en point de mire. 

Raison invoquée par Kim Il-Sung, dirigeant de la Corée du Nord : répliquer à une « invasion du Sud » fantasmée qui serait pilotée par les États-Unis. Un argument dont le journal communiste et stalinien Ce Soir se fait l’écho, sans nuance.

« L’invasion de la Corée du Nord, par l’armée de mercenaires du gouvernement Syngman Rhee – installé par les Américains à Séoul, en Corée du Sud – est sans conteste l’un des événements les plus graves, sinon le plus grave, qui soit survenu depuis que les États-Unis ont commencé leurs opérations de “guerre froide”, voilà désormais trois ans. […]

Le caractère prémédité du geste provocateur de Syngman Rhee est d’autant plus évident que l’agression coïncide avec le voyage au Japon de Forster Dulles, bras droit de M. Acheson, et avec ses déclarations récentes au sujet de la Corée.

Mais la gravité même de cette agression nous donne de sérieuses raisons d’espérer que l’incendie ne s’étendra pas plus loin. À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’Armée Populaire coréenne (nordiste) avance vers Séoul, infligeant une dure correction à ceux qui croyaient pouvoir envahir impunément les frontières qu’elle était chargée de défendre. »

Le lendemain, la presse française veut encore croire à un « feu de cheminée » selon les termes du journal de gauche issu de la Résistance Combat.

« Devant les appels, les manifestations, les parades auxquels viennent de se livrer, à Tokyo, le trio Bradley, Johnson, Mac Arthur (sans parler de Foster Dulles, déjà nommé), un simple feu de cheminée risque d’embraser tout le quartier.

C'est peu probable, à notre avis, d’abord parce que les Coréens se préoccupent davantage actuellement d'assurer leur riz quotidien que de combattre et mourir pour l’un ou l’autre des deux “grands” et, ensuite, parce que Moscou n’a rien à gagner dans une épreuve de force qui ferait le jeu des militaires américains.

Moscou ne souhaite pas la guerre et Mao Tse Toung encore moins. Ceci clôt, les Russes agissent à leur manière, et l’on sait que, le cas échéant, ils n’hésitent pas à recourir à la manière forte, surtout lorsque le fruit est prêt à cueillir. »

Dans ces premiers jours d’attaque éclair, les informations sont contradictoires. Séoul affirme ainsi avoir repoussé l’adversaire à plus de quarante kilomètres de la capitale. Dans les faits, les troupes nord-coréennes ont débordé l’armée de Syngman Rhee et continuent d’avancer en direction de Séoul.

« Et le porte-parole du président Rhee déclarait : “la situation s’améliore sur toute la ligne”.

Qu’y avait-il de justifié dans tout ce bel optimisme ?

Pas grand-chose, sans doute. Toujours est-il que vers le milieu de l’après-midi, on percevait distinctement, dans Séoul, le bruit de la canonnade.

À la tombée du jour, on signalait que les communistes avaient enlevé la ligne fortifiée de la capitale et que le gros de leurs troupes prenait position à une douzaine de kilomètres des portes de la ville. On assurait même que des avant-gardes rouges se trouvaient déjà dans certain faubourg.

Que s’est-il donc passé ?

Nous indiquions hier que trois colonnes communistes se dirigeaient sur Séoul. L’une par l’Ouest (celle qui a franchi l’Ionin) ; la seconde par le Nord. La troisième par l’Est.

C’est apparemment la seconde colonne dont la marche a été la plus rapide et qui donnera le coup de grâce à la capitale sud-coréenne. »

Pendant plusieurs jours, les sept divisions de l’armée de Kim Il-Sung progressent inexorablement, soutenue par des pièces d’artillerie et des avions de combat. Les abords de Séoul subissent un bombardement important. La capitale du Sud ne tombe pas – encore.

« Les troupes de la Corée du Nord occupent entièrement la péninsule d’Onguing et sont aux abords de l'aérodrome de Kimpo, près de Séoul, dont la chute n’est pas encore annoncée. Cet aérodrome est soumis à des bombardements et mitraillages intermittents.

Dans la région de Chumunjim-Kingnung, une division nordiste occuperait la côte est de la Corée, trois à quatre mille soldats ont été débarqués sur la tête de pont précédemment établie au sud de Kingnung.

Dans la région de Chunchon, les troupes de la Corée du Sud auraient repoussé les assaillants jusqu'à cinq kilomètres au nord de la ville, mais des tanks adverses ont été aperçus dans les faubourgs. »

Devant la menace, le gouvernement sud-coréen est évacué de Seoul et se retire à Suwon, à quelque 35 kilomètres au sud. Le 28 juin, les troupes de Kim Il-Sung occupent la capitale de la Corée du Sud. Un mois plus tard, le territoire sud-coréen est sous domination nordiste à 90 %.

Dès l’annonce de l’attaque de la Corée du Nord, les États-Unis ont réagi en transférant à l’armée du Sud les munitions de leurs troupes basées sur place et en créant un pont aérien, donnant ainsi « couverture et appui » aux Sud-coréens, selon l’expression du président Truman. À la tête des opérations, le général Mac Arthur, commandant suprême des forces alliées dans le Pacifique sud-ouest pendant la guerre mondiale.

Pour Combat, il s’agit d’un tournant – et la garantie d’un conflit long et coûteux en hommes.

« L’ensemble de la situation militaire coréenne est totalement bouleversé depuis la nomination du général Mac Arthur au poste de commandant en chef des forces américaines chargées d’intervenir en Corée du Sud.

La décision de Washington signifie qu’une lutte, que l’on croyait destinée à être terminée d’ici quelques jours, entre dans une phase totalement nouvelle, dont il est impossible à l’heure actuelle de prévoir l’issue.

Si l’on ignore encore les intentions tactiques du général Mac Arthur, on sait cependant que le commandant en chef établit actuellement un pont aérien pour fournir des armes à la Corée du Sud. »

L’objectif des États-Unis est aussi de protéger Taïwan (on parle alors, en France, de Formose) d’une éventuelle agression chinoise.

« Truman prétend encore que la libération de Formose par l’armée populaire chinoise constituerait une menace directe pour la “sécurité” des États-Unis dans le Pacifique.

“En conséquence, ajoute-t-il, j’ai donné l’ordre à la septième flotte d’empêcher toute attaque contre Formose.” »

Après la Résolution 83 du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant l’invasion de la Corée du Sud, les États-Unis font voter le 7 juillet la Résolution 84, leur donnant mandat d’intervenir au nom de l’ONU en Corée. Les États-Unis s’engagent alors officiellement dans la guerre à la tête d’une coalition de seize pays, dont la France.

La Chine intervient en octobre pour soutenir Kim Il-Sung. La Guerre de Corée va durer trois ans et causer entre un et deux millions de morts (selon les chiffres avancés par les institutions occidentales ou nord-coréennes), ainsi que trois millions de réfugiés. Les historiens parlent aujourd’hui du conflit comme du « point extrême » de la Guerre Froide.

Le 27 juillet 1953, la fin du conflit sera signée à Panmunjeon. Les deux pays retrouveront alors la même frontière qu’avant la guerre : le 38e parallèle sépare toujours le Sud et le Nord, augmenté d’une zone démilitarisée de quatre kilomètres de large de part et d’autre.

Pour en savoir plus :

Patrick Souty, La Guerre de Corée, 1950-1953 : guerre froide en Asie orientale, Presses universitaires de Lyon, 2002

David Cumin, « Retour sur la Guerre de Corée », in: Hérodote, no 141, 2011

Jean-Marie de Prémonville, Pierre Baudy, Serge Bromberger et Henry de Turenne, Retour de Corée. Récit de 4 correspondants de guerre français sur le front de Corée, Julliard, 1951