Écho de presse

6 août 1945 : la première bombe atomique pulvérise Hiroshima

le 04/08/2023 par Julie Duruflé
le 30/07/2020 par Julie Duruflé - modifié le 04/08/2023
Hiroshima après le bombardement atomique - source : Wikicommons

« La première bombe atomique est tombée, hier, sur le Japon. » 6 août 1945, l'armée américaine lâche la nouvelle bombe atomique sur la ville japonaise d'Hiroshima. Récit d'un chaos sans précédent.

À la Une de Ce Soir le 8 août 1945, « les États-Unis seraient sur le point d'adresser un ultimatum au Japon, offrant à ce dernier le choix entre une reddition dans les 48 heures et l'anéantissement par bombe atomique » :

« La première bombe atomique est tombée, hier, sur le Japon. Cette révélation, faite à la Maison-Blanche, par le président Truman, annonce l'ouverture d'une phase entièrement nouvelle dans la conduite de la guerre contre le Japon.

Cet engin a été lancé sur la ville de Hiroshima [...]. À 8h20 du matin, heure nippone, la bombe a été lâchée au-dessus de son objectif, mais jusqu'à présent, les Nippons n'ont fait aucun communiqué concernant les destructions qui ont suivi. »

« Aucun témoignage direct sur le bombardement » du côté américain non plus. À défaut d'informations sur les dégâts occasionnés au Japon, Ce Soir indique à titre d'exemple :

« On précise aujourd'hui que le navire qui, en juin 1917, avait fait explosion dans le port de Halifax, tuant 1 500 personnes et détruisant plus de 7 kilomètres carrés de la ville, transportait 3 000 tonnes d'explosifs, c'est-à-dire l'équivalent du septième de la puissance de la bombe atomique. »

Et de faire le tour de cette actualité bouillonante qui s'affiche en Une dans les journaux alliés : « les journaux américains consacrent la presque totalité de leurs colonnes aux nouvelles concernant la bombe atomique. [...] Le « New York Herald Tribune » s'attache surtout à l'importance scientifique de l'invention ». C'est aussi ce que retient le journal anglais du Yorkshire Post pour qui « la guerre a stimulé les recherches scientifiques dans un but de destruction. [...] Nous contemplons le résultats de [ces] recherches avec un sentiment de fierté mêlé de crainte ».

Les informations sont d'autant plus attendues et imprévisibles que le projet est resté confidentiel ; « les ouvriers de l'usine secrète américaine ignoraient tout » de ce qu'ils construisaient :

« Les ouvriers de l'usine géante dont l'existence était tenue jusqu'ici dans le plus grand secret, et qui fabriquent la bombe atomique, n'ont jamais été conscients de la nature du travail auquel ils étaient affectés.

Le mélange du nouvel explosif était, en effet, obtenu par la manoeuvre de cadrans automatiques, actionnés derrière des murs de ciment d'une épaisseur énorme. »

Le lendemain, Ce Soir publie « le premier récit de la disparition de Hiroshima ». Le colonel Paul Warfield Tibbets, pilote de la forteresse volante qui a lâché la bombe, a rendu son rapport à ses supérieurs :

« Nous n'avions rencontré aucune opposition de la part de l'ennemi, raconte le colonel Tibbets, la visibilité était excellente et nous avons lancé la bombe sans nous servir de nos instruments de bord, à 9h15 exactement.

Le capitaine Parsons, le premier bombardier Thomas Ferebe et moi-même étions les seuls membres de l'équipage à savoir quel genre de bombe nous transportions ; les autres savaient seulement qu'il s'agissait d'une arme nouvelle. »

Il poursuit sur « le déchainement de l'enfer » :

« Pendant la durée de la chute, j'ai manœuvré pour éloigner l'appareil le plus possible du centre de l'explosion. Ensuite, il est difficile de s'imaginer ce que nous avons vu : cet éclair aveuglant de l'explosion et cet effrayant geyser de fumée noire qui montait vers nous à une vitesse extraordinaire, après avoir noyé toute la ville. [...]

Tout cela s'est passé très vite, ajoute le colonel Tibbets.

Nous avions senti la chaleur de l'explosion [...] il nous a semblé que de très grosses bombes explosaient à proximité de l'avion et je crois bien que tout l'équipage a murmuré : "Mon Dieu !" Mais personne n'a été blessé. »

« Malgré son ressentiment à l'égard des Japonais et sa certitude que le Japon a mérité son sort », le capitaine Parsons ajoute avoir éprouvé une « violente émotion à la pensée de la destruction totale » qui attendait la ville :

« Hiroshima a semblé se soulever comme une montagne de fumée bouillonnante dans laquelle il était possible de distinguer des filets de poussière grise. Cette masse en ébullition s'est élevée à 6 000 mètres et le bouillonement a continué pendant trois ou quatre minutes, puis une colonne de fumée blanche a percé le dôme de cette montagne et s'est élevée jusqu'à une douzaine de kilomètres du sol.

À l’extrême périphérie de la ville, nous avons pu distinguer d'énormes incendies. »

Ce Soir annonce le début d'un éxode japonais face à la menace d'une seconde bombe, qui prendrait cette fois-ci pour cible la capitale nippone, soulignant que Tokyo n'aurait été épargnée que pour « conserver au Japon un gouvernement susceptible de signer la capitulation ». Face à la puissance de la bombe, Radio-Tokyo ordonne à la population civile d'évacuer certaines villes perçues comme des cibles potentielles.

C'est finalement Nagasaki qui reçoit la deuxième bombe atomique le 9 août. Le journal l'évoque brièvement dans son numéro du 10, avant de se reconcentrer sur les effets de la première bombe qui commencent à être constatés sur le territoire d'Hiroshima : « une température de deux mille milliards de degrés centigrades [...]. Dans un temps inimaginablement court plusieurs millions d'explosions firent éclater les atomes constituant » les corps des victimes ; « c'est une mort nouvelle : la mort atomique ».

Le 11 août 1945, Ce Soir titre sur la décision de capitulation du Japon, et reproduit la déclaration japonaise qui doit encore parvenir officiellement au gouvernement des États-Unis :

« Le gouvernement japonais est prêt à accepter les conditions énumérées par la déclaration commune qui fut publiée de Postdam, le 26 juillet 1945, par les chefs des gouvernements des États-Unis, de Grande-Bretagne et de Chine et endossées plus tard par le gouvernement soviétique, sous réserve toutefois qu'il soit entendu que cette déclaration ne compromet en rien les prérogatives de Sa Majesté comme chef souverain. »

Le texte de la proposition japonaise a été remis le 11 août à 18h45 au secrétaire d'État américain, comme le rapporte le 12 août Ce Soir, qui titre « Les alliés règlent aujourd'hui le sort du Japon » avant d’imaginer - au conditionnel toujours, à défaut d'informations officielles - le déroulement des négociations.

« Le Japon s'incline devant les conditions imposées par les alliés » le 15 août :

« “Le gouvernement japonais accepte les conditions de reddition des alliés formulées dans la note transmise à Tokio [sic] par le gouvernement des États-Unis.”

Tels sont les termes du communiqué de l'agence Domeï, capté ce matin à 2h. 49 par les postes américains du Pacifique.

Mettant fin aux atermoiements, aux bruits les plus contradictoires qui circulaient à travers les airs depuis 90 h. 19 minutes - c'est exactement le temps qui s'est écoulé entre la première offre japonaise et le communiqué de cette nuit - ce message de l'agence officielle nippone signifie la reddition sans conditions de l'empire du Mikado. »