Écho de presse

Joseph Kessel sur le front de la première guerre israélo-arabe

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Le photographe du reportage de Kessel, Paul Esway, avec des membres de la Haganah israélienne, France-Soir, 1948 - source : RetroNews-BnF

En 1948, l'auteur de L'Armée des ombres part couvrir pour France-Soir les premiers jours d'existence d'Israël. Il passe ainsi près d'un mois aux côtés de l'armée du jeune État, en qui il voit une « sorte de Légion étrangère » dont les membres « défendent leur vie, toute nue ».

« Allô, allô, Haïfa Tower ? Allô, allô, Haïfa Tower ? »

L'opérateur radio du Pétrel, un petit avion privé, contacte la tour de contrôle de l'aérodrome de Haïfa, au bord de la Méditerranée. À son bord, une poignée de passagers que les hasards du voyage ont réuni deux jours plus tôt au départ du Bourget, faute de vols de compagnies régulières. Parmi eux, l'écrivain et reporter Joseph Kessel.

Ce n'est pas la première fois que l'auteur de L'Armée des ombres met le cap vers cette région. En 1926, sur les conseils de Chaim Weizmann, le président de l'Organisation sioniste mondiale créée par Theodor Herzl, cet homme juif de culture mais agnostique de pratique s'est rendu pour le Journal dans ce qu'on appelait encore à l'époque « la Palestine sous mandat britannique ». À l'époque car, ce 15 mai 1948, la Palestine n'est plus britannique depuis vingt-quatre heures. Comme l'écrira Kessel,

« La Grande-Bretagne avec sa flotte, son aviation, ses armées, son Empire, abandonnait la Palestine, vaincue par une poignée d’hommes.

Ils s’étaient insurgés contre elle, parce que, puissance mandataire, elle trahissait son devoir, étranglait l’immigration juive, arrêtait les bateaux héroïques des réfugiés, et déportait ceux-là dans des camps, à Chypre. »

Le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution 181 prévoyant le partage de la Palestine entre un État juif et un État arabe. La fin du mandat britannique a été fixée au 14 mai 1948 à minuit. Et, avec elle, la naissance de l'État d'Israël, dont Chaim Weizmann va être désigné président quelques jours plus tard.

Les États arabes de la région ont aussitôt annoncé qu'ils n'acceptaient pas ce plan de partage. Au matin du 15 mai, cinq d'entre eux – l'Égypte, la Transjordanie (future Jordanie), la Syrie, le Liban et l'Irak – ont envahi le territoire palestinien. Pierre Lazareff, le patron de France-Soir, n'a pas attendu le début des combats pour proposer à Joseph Kessel de partir couvrir sur le terrain la naissance de l'État juif. Le reporter comptait atterrir à Tel-Aviv mais on leur ordonne de finalement mettre le cap sur Haïfa : « Allô, allô, Haïfa Tower ? Allô, allô, Haïfa Tower ? »

Kessel s'inquiète : l'aérodrome est encore théoriquement sous le contrôle de l'administration mandataire, et il ne dispose pas d'un visa britannique. Coup de chance, quand l'avion atterrit, les troupes britanniques viennent de céder le contrôle civil de l'aérodrome aux Israéliens. « Notre avion est le premier à toucher le sol de la Palestine libre, de l’État d’Israël, et nous sommes les premiers à y débarquer », s'enthousiasme l'un de ses camarades de voyage en posant le pied à terre :

« Les premiers ! Ces mots qu’il prononçait avec un frémissement religieux semblaient inscrits tout autour de nous, sur les visages, dans les yeux, dans l’at...

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