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Écho de presse

La dernière guerre apache et le mythe Geronimo

A partir du milieu du XIXe siècle, en Amérique, les tribus apaches se soulèvent contre les colons blancs. Lors de la reddition du chef guerrier Geronimo, en 1886, la presse française s’intéresse à ce personnage appelé à devenir légendaire, que L’Evénement comparera à Vercingétorix.

AmérindiensGuerres indiennesIndiens d'AmériqueFar-WestÉtats-Unis
Pierre Ancery

Ecrit par

Pierre Ancery

Publié le

10 juin 2025

et modifié le 10 juin 2025

Image de couverture

Le guerrier apache Geronimo après sa capture,1886 - source : Library of Congress-WikiCommons

Geronimo : au XXe siècle, son nom est devenu synonyme de courage et de résistance face à l’ennemi, tandis que le célèbre guerrier apache se voyait érigé en figure mythique peuplant bandes dessinées et westerns de cinéma.

Appelé à sa naissance Go Khla Yeh (ou Goyathlay, « celui qui bâille »), Geronimo (1829-1909) fut pourtant un protagoniste bien réel de ce que l’on appellera plus tard les guerres apaches. Elles-mêmes inscrites dans le processus de colonisation des territoires américains occupés par les Amérindiens, ces guerres débutèrent au milieu du XIXe siècle, avec l’arrivée des colons sur les terres des Apaches (actuels Arizona, Nouveau-Mexique, et Texas, dans le Sud des États-Unis).

Né dans la tribu des Chiricahua, le jeune Geronimo prend d’abord part à des raids contre les villes mexicaines de Sonora et de Chihuahua. En 1858, le meurtre de sa mère, de sa femme et de ses enfants par l’armée mexicaine nourrit sa haine des Blancs. Il acquiert son surnom le 30 septembre 1859 en tuant, lors d’une embuscade, des soldats mexicains invoquant le saint du jour, Jérôme (« Geronimo » en espagnol), pour leur défense.

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Sa vie durant, Geronimo, en implacable chef de bande, mène des attaques contre les colonisateurs, Mexicains puis Américains. En 1862, il participe avec Cochise et le chef Mangas Coloradas à la bataille d’Apache Pass, en Arizona, qui aboutit à un traité de paix signé contre l’avis de Geronimo. Finalement arrêté, Mangas Coloradas sera torturé et abattu.

Entre 1871 et 1873, alors que le lieutenant-colonel Crook opère une entreprise de pacification (les Chiricahuas dirigés par Cochise ont négocié la création d’une réserve sur leurs terres), il poursuit la guérilla. Dans les années 1880, entouré d’une poignée de guerriers, il est le dernier Apache à lutter contre les forces états-uniennes : il se rend à plusieurs reprises, mais s’enfuit à chaque fois pour reprendre le combat.

En France, la presse suit ces épisodes d’un regard lointain. Dans les articles évoquant les Apaches, ces derniers se voient généralement décrits comme de dangereux sauvages. Exemple : cette étude pseudo-scientifique parue en 1878 dans la rubrique « Revue des sciences historiques » de La République française, le journal fondé par Léon Gambetta. Les Apaches y sont totalement animalisés :

« C’est une belle bête féroce que l’Apache [...]. La moralité se mesure au développement de l’intelligence. On ne peut s’étonner de la trouver ici réduite à des rudiments infimes. Les Apaches ne vivent que de rapines ; leurs rapines se compliquent de rapt et de meurtre ; leurs combats sont moins des luttes que des assassinats [...].

Somme toute, la société apache n’est élevée que d’un degré à peine au-dessus de celle des loups. On peut même se demander, exagération et paradoxe à part, si elle est vraiment supérieure à celle de plusieurs espèces animales, des castors par exemple [...].

Aujourd’hui, ils ne sont plus que cinq mille. Race errante, affamée, altérée, race traquée et poursuivie, race rusée, passionnée, admirablement endurante [...], l’Apache, peuple-loup, aura le sort du loup. Le loup périra, mangé par le mouton. »

En 1885, la troupe de Geronimo (une quarantaine d’hommes et une centaine de femmes et d’enfants) est pourchassée par les forces du lieutenant-colonel Crook qui a réuni dans ce but plusieurs dizaines de milliers de soldats. Une dépêche du Times, reprise dans plusieurs journaux français, évoque la situation : c’est sans doute la première fois que le nom de Geronimo apparaît dans la presse française. Il a alors 55 ans. 

« Le gouvernement des États-Unis a à réprimer un sérieux mouvement insurrectionnel des Indiens dans l'Arizona. Sur la frontière, plusieurs bandes pillent les habitants et massacrent les colons. Le secrétaire d’État à la guerre a invité les chefs militaires de la région à user de tous les moyens en leur pouvoir pour mettre un terme à ces attentats.

Le chef apache Geronimo dirige le mouvement. Un télégramme de Lardsbury annonce que les troupes ont attaqué les Indiens sur la rivière Bleue, il y a eu lundi huit jours, mais qu'elles ont été obligées de battre en retraite avec trois blessés.

Un second engagement a eu lieu vendredi dans les montagnes de Magallon, près d'Alma. Les Peaux-Rouges ont été défaits ; ils sont vivement poursuivis. On s'attend à un nouveau combat. »

Après dix mois de traque, les forces de Geronimo se voient encerclées dans la région de Sonora, au Mexique, en mars 1886. Après une entrevue avec Crook, Geronimo accepte de se rendre et de regagner la réserve indienne de San Carlos. Mais il se ravise et s’échappe, regagnant les montagnes avec une quinzaine de guerriers.

3 000 soldats états-uniens, sous la direction du général Nelson Miles, le pourchassent. Geronimo leur échappe pendant cinq mois. Puis, épuisé, il finit par se rendre le 4 septembre 1886 sur la promesse qu’on le laisse revenir dans son territoire natal après un temps d’exil en Floride.

« Par cette importante capture,  note en France le Journal des débats politiques et littéraires, l’insurrection apache peut être considérée comme terminée ». En effet, la reddition (et non la capture, comme l’écrit le journal) de Geronimo sonne le glas des guerres indiennes. L’Univers, quotidien catholique, commente en octobre 1886 :

« Depuis trois mois, des colonnes de soldats réguliers étaient à sa poursuite, et toujours il leur échappait. Dans plusieurs rencontres, on avait pu admirer la tactique, le courage des Indiens et la justesse de leur tir. Enfin, poussé dans ses derniers retranchements, privé de ressources, Geronimo s’est décidé à se rendre sans condition au général Miles, commandant de l’expédition.

C’est un grand soulagement pour les Américains, que la révolte continuelle des Indiens tenait en alerte. » 

Les Chiricahuas sont déportés comme prisonniers de guerre en Floride, où ils sont décimés à cause du climat humide, de la malnutrition, de la maladie, et tout simplement du désespoir. Les survivants sont transférés en 1887 à Fort Sill, en Oklahoma.

La reddition de Geronimo va donner le coup d’envoi de sa légende. En septembre 1890, Le Temps, reprenant un article sans doute largement romancé de l’Illustrated American, raconte l’arrivée en 1885 du « dernier des Apaches » au camp de Mount-Vernon, en Alabama : 

« Où sont maintenant ces Peaux-Rouges ? Au pays des vieilles lunes. Supprimés, effacés par la locomotive et son train de civilisation. L'Illustrated American nous conte juste à point les aventures du grand chef américain Geronimo, qu’on peut appeler ‘le dernier des Apaches’ [...].

Un témoin oculaire raconte qu’il lui fut donné d’assister à l’arrivée du vieux chef dans le camp et qu’il a vu peu de spectacles aussi émouvants. En signe de deuil, tous les Indiens s’étaient enfermés dans leur tente. Seule, une jeune femme quitta sa demeure et s’avança vers le monticule où le vaincu s’était arrêté, contemplant ces tristes débris de sa nation jadis puissante.

La jeune femme s’avança rapidement et, jetant ses bras autour du cou du vieillard, éclata en larmes. C’était sa fille unique. Il n’en resta pas moins impassible, refoulant ses émotions au fond de lui-même et ne permettant pas à un muscle de sa face de laisser deviner aux Visages-Pâles qu’un sentiment humain pouvait l’agiter. »

En France, le terme d’« apache » connaît une popularité inattendue à partir des années 1900, puisqu’il se met à désigner les bandes criminelles du nord de Paris de l’époque. La presse à sensation fait ses choux gras des faits divers impliquant ces petits truands dont la « férocité » est censée rappeler celle des Amérindiens.

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Pendant ce temps, en Oklahoma, Geronimo est toujours prisonnier. Devenu fermier, il s’est converti au christianisme dans l’espoir de s’attirer la grâce du président Theodore Roosevelt, comme le raconte par exemple le Courrier de Saône-et-Loire en août 1907, dans un article intitulé « Le doyen des scalpeurs » : 

« Très curieuse personnalité que ce dernier champion de la race rouge. Il racontait volontiers aux touristes qui le visitaient en prison qu’il scalpa jadis, en 40 années de lutte contre les conquérants, plus de 300 ‘visages pâles’, ce qui doit constituer un record dans le monde, désormais très restreint, des scalpeurs.

Aussi rusé que féroce, il se convertit l’autre année au culte réformé hollandais, la religion que pratique M. Roosevelt. Il espérait que le président – le Grand-Chef Théodore – interviendrait en faveur de son nouveau coreligionnaire. 

Mais le Grand-Chef ne ‘marcha pas’. »

Dans ses dernières années, Geronimo, qui ne reverra jamais l’Arizona, dicte ses Mémoires au journaliste S.S. Barrett : il y dit regretter de s’être rendu et de n’être pas mort au combat. Le 17 février 1909, victime d’une chute de cheval et d’une pneumonie, il meurt à l’âge de 79 ans. En France, L’Evénement  rend compte du décès de celui qu’elle surnomme « le Vercingétorix de sa race » :

« Le chef Indien Geronimo, des Chincahua-Apaches, s’est éteint récemment dans une station militaire d’Oklahoma. C’était un des rares survivants des Peaux-Rouges de la grande époque et la terreur qu’il inspirait encore, à quatre-vingt-six ans, obligeait le gouvernement américain à le tenir enfermé [...].

C’est assez dire qu’il était l’irréconciliable ennemi des blancs. Par son courage, son habileté stratégique, sa finesse, son éloquence, il était le Vercingétorix de sa race, et, par sa taille, par sa noble figure, l’un des plus beaux hommes qu’on put voir. » 

Pour en savoir plus

Jean-Louis Rieupeyrout, Histoire des Apaches : la fantastique épopée du peuple de Géronimo, 1520-1981, Albin Michel, 1987

Mémoires de Géronimo, Éditions Maspero, 1972, rééd. La Découverte, 2003

Mots-clés

AmérindiensGuerres indiennesIndiens d'AmériqueFar-WestÉtats-Unis
Pierre Ancery

Ecrit par

Pierre Ancery

Pierre Ancery est journaliste. Il a signé des articles dans GQ, Slate, Neon, et écrit aujourd'hui pour Télérama et Je Bouquine.

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