Interview

Tardi : « Je suis avec le pauvre type qui ne voulait pas être là au fond de la tranchée »

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Couverture de la nouvelle bande dessinée de Tardi, « Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B, Après la guerre » - source : Éditions Casterman

Dans son dernier ouvrage, le dessinateur Jacques Tardi relate, avec une très grande précision, le retour à la vie civile de son père après sa détention dans les camps du Troisième Reich. La bande dessinée peut-elle documenter la guerre et participer elle aussi au devoir de mémoire ?

Jacques Tardi est l’auteur de nombreuses bandes dessinées historiques, ayant notamment pour sujet les deux guerres mondiales. On lui doit entre autres « Le Trou d’Obus », « C’était la guerre des tranchées » ou « Putain de guerre ».

Le troisième tome de sa série sur l’histoire de son père, Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II-B, intitulé « Après la guerre », est paru aux éditions Casterman.

Propos recueillis par Arnaud Pagès

RetroNews : Vos bandes dessinées ont-elles pour but de « montrer » aux gens comment se passait la vie dans les Stalags, les camps de prisonniers de guerre allemands ?

Jacques Tardi : En partie. J'ai appris des choses surprenantes en me documentant. Par exemple, dans le Stalag où se trouvait mon père [le Stalag II-B d’Hammerstein en Poméranie, au nord de l’actuelle Pologne, NDLR], les détenus avaient un poste de radio par baraquement, ce qui était bien sûr tout à fait interdit. Comment arrivaient-ils à faire rentrer ces postes radio ? Certainement en soudoyant les gardiens. Ils les planquaient ensuite dans les poêles en briques des baraquements. Ce genre de détails ne figurent pas dans les livres d'Histoire.

J’ai fait une reconstitution du Stalag II-B aussi fidèle que possible. Sur le site actuel, il n'y a plus rien. Tout ou presque a depuis été rasé. Il reste seulement un baraquement. Les Polonais ont construit une prison juste à côté. Il faut nécessairement aller sur le terrain pour se rendre compte de tout ça, et faire ensuite un énorme effort d'imagination. J'ai travaillé également en me basant sur la façon dont les Stalags étaient conçus. C’est-à-dire toujours sur le même modèle, avec une allée centrale et des baraquements autour.

Article du Petit Journal listant les lieux de détention des prisonniers français, 13 décembre 1940.

À travers l'histoire de votre père, en plus du camp en lui-même, vous documentez aussi la façon dont il était possible de s’en évader.

Oui, en effet. L'évasion était le but de la grande majorité des prisonniers dès leur arrivée. Mais avant d'essayer de s'enfuir, il fallait se procurer des vêtements civils. Il fallait les faire fabriquer contre rémunération par un tailleur – lui-même prisonnier. Celui-ci allait confectionner un costume avec de vieilles couvertures, puis ensuite il allait le teindre. Tout ça prenait un temps fou.

Et était également très risqué.

Bien entendu. Le risque de se faire prendre était constant.

Par exemple, ma mère fais...

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