Interview

Une histoire des corsaires en Méditerranée : entretien avec Gillian Weiss

le par

Débarquement et « maltraitement » de marins prisonniers des corsaires à Alger, estampe, 1706 - source : Amsterdams Historic Museum-WikiCommons

Au XVIIe siècle, il n’était pas rare que les marins européens – et notamment français – soient agressés en pleine mer par des corsaires d’Afrique du Nord. Un certain nombre d’entre eux étaient alors réduits à l’état d’esclave, devenant monnaie d’échange entre royaumes et « brigands ».

Gillian Weiss est historienne. Elle travaille sur l’histoire de la Méditerranée et s’intéresse à la question de l’esclavage au sein de cette zone géographique à l’époque moderne. Elle est notamment l’auteure de Captifs et corsaires. L’identité française et l’esclavage en Méditerranée paru en 2014 aux éditions Anacharsis.

Ensemble, et dans le cadre de ses interventions au festival L’Histoire à venir, nous sommes revenus sur les modalités d’emprisonnement des marins européens kidnappés par les corsaires maghrébins au XVIIe siècle.

Propos recueillis par Julien Morel.

Gillian Weiss sera présente au festival L’Histoire à venir qui aura lieu à Toulouse du 23 au 26 mai 2019.

RetroNews : Tout d’abord, comment des marins français pouvaient-ils se retrouver, à la suite d’un enlèvement, esclaves de « pirates » méditerranéens ?

Gilian Weiss : Il faut savoir que plusieurs formes de servitude étaient  alors communes à tous les peuples des pourtours de la Méditerranée – elles le sont d’ailleurs demeurées longtemps. En ce qui concerne les rapports entre la France et les soi-disants « barbaresques », il ne s’agissait pas simplement de marins français capturés en mer par des corsaires maghrébins. Les marins français le faisaient également. Et notamment sous Louis XIV : les agents royaux non seulement prenaient mais aussi achetaient des hommes ; ils les appelaient les « esclaves turcs » et ces derniers leur servaient à ramer sur les galères. Dans le même temps, la France entretenaient des accords commerciaux avec l’empire ottoman (par ailleurs très critiqués par les royaumes rivaux européens), et signait des pactes bilatéraux avec le Maroc, l’Alger, le Tunis et le Tripoli, censés couvrir ses sujets lorsque ceux-ci naviguaient.

Tout cela signifie que souvent, les écumeurs des mers – des deux côtés – qui soumettaient les marchands et pèlerins à l’esclavage contrevenaient à ces traités franco-maghrébins.

Il faut toutefois rappeler que la diplomatie et les défenses des côtes ont donné plus de protection à la France qu’à n’importe quel pays européen. La France n’a jamais subi d’attaques littorales de l’échelle de celles connues par l’Islande ou l’Irlande – où des villages entiers d’hommes et femmes étaient parfois enlevés ! La France a connu un pic d’enlèvements vers la moitié du XVIIe siècle, qui a peu à peu chuté à la suite des grands bombardements entrepris par France dans les années 1680 et 1690.

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