Interview

De l’Antiquité à nos jours, la longue histoire des otages

Membres d’une communauté juive de Bessarabie tenus en otage par la Wehrmacht, 1941 - source : Bibliothèque de Budapest-WikiCommons

Le concept de « prise d’otage » a-t-il toujours désigné une même réalité ? D’Homère à Louis XVI, l’historien spécialiste des relations internationales Gilles Ferragu mène une large enquête sur cette « monnaie d’échange » des conflits internationaux, qui a curieusement traversé les siècles.

Dès la haute Antiquité, les otages sont des rouages indispensables aux relations entre États. Garants vivants de la « parole des princes », ils sont associés malgré eux à chaque alliance, chaque traité.

Au XIXe siècle, l’armée les utilise comme boucliers humains, jusqu’en 1945, où la prise d’otage devient légalement un crime de guerre. Cette pratique est désormais associée aux diverses formes de terrorisme local et international, des FARC en Colombie jusqu’à Daech.

En s’appuyant sur des sources originales, l’ouvrage Otages, une histoire De l’Antiquité à nos jours, paru aux éditions Gallimard, retrace la généalogie d’une pratique très ancienne pour proposer une véritable relecture des relations internationales. Nous  en avons discuté avec son auteur, l’historien Gilles Ferragu.

Propos recueillis par Mazarine Vertanessian

RetroNews : Commençons par le mot lui-même. Qu’est-ce qu’un otage ?

Gilles Ferragu : De nos jours, c’est une personne qui est capturée, prise à parti dans un conflit entre un État et une organisation terroriste. Ceci dit, le mot a été dévoyé et, dans le langage courant, on peut être otage de tout : d’une grève, d’une décision administrative, d’une panne dans les transports…

Ce glissement a fait perdre au mot son sens originel qui est nettement plus dramatique. Un otage est quelqu’un privé de sa liberté, sans avoir commis de crime, mais en raison d’une cause qui le dépasse.

« La terreur en Serbie – Cent maires ont été exécutés », La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 1918

Dès l’Antiquité, on recense des otages ; quel est alors leur rôle ?

Dans l’Antiquité, l’otage est envoyé par un souverain à un ennemi pour garantir sa parole. En général c’est une personne précieuse pour ses compétences ou un membre de la famille du chef d’État, comme Philippe de Macédoine qui fut livré par son frère Alexandre II au IVe siècle avant Jésus-Christ.

L’otage est alors remis volontairement et matérialise la bonne foi du prince, que ce soit pour signer un traité, conclure une paix après une guerre ou garantir le versement d’une somme. Si la parole n’est pas tenue, des représailles peuvent être exercée sur le captif.

Chez l...

Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée.