Interview

Vue d’ailleurs : l’URSS idéalisée par la France, selon Sabine Dullin

le par

Affiche soviétique représentant un soldat de l'Armée rouge et la caricature d'un Japonais, 1938 - source : Gallica-BnF

« Les Soviétiques ont mis en place un système de relations publiques qui présentait une image idéalisée du régime ». Jusqu'à la mort de Staline en 1953, le culte de la dissimulation fut la marque de fabrique du régime soviétique. Qu’en savait-on en France ?

Historienne et professeure à Sciences-Po en histoire contemporaine de la Russie et de l'Union soviétique, Sabine Dullin est une spécialiste reconnue de l'histoire politique de l'Etat soviétique. Elle travaille sur l'URSS comme fédération, ainsi que sur le concept de « frontière épaisse » qui visait, sous Lénine puis sous Staline, à permettre à la fois l'exportation de la révolution et la protection du territoire russe.

On lui doit notamment Histoire de l'URSS, 1917-1991, paru en 1994 aux éditions de La Découverte et réédité depuis, Des Hommes d'influences : Les ambassadeurs de Staline en Europe (1930-1939) publié en 2001 chez Payot, La frontière épaisse. Aux origines des politiques soviétiques (1920-1940) en 2014 aux éditions de l’EHESS, Atlas de la guerre froide. Un conflit global et multiforme en 2017 aux éditions Autrement et tout récemment L'ironie du destin : Une histoire des Russes et de leur empire (1853-1991) sorti en novembre 2021, également chez Payot.

Propos recueillis par Arnaud Pagès

RetroNews : En 1924, comment est perçue l'arrivée de Staline au pouvoir ? Est-il considéré comme quelqu'un de potentiellement dangereux et autoritaire ?

Sabine Dullin : Lorsque Lénine meurt, Staline est un membre éminent du bureau politique du parti, mais à l'extérieur des frontières, Léon Trotski est davantage connu parce que c'est lui qui a dirigé l'Armée rouge pendant la guerre civile et qui a remporté la victoire finale contre les Blancs. De même que Zinoviev, le chef de l'Internationale communiste. C'est pour cette raison que Staline ne suscite pas de craintes particulières. D’autant que 1924 est aussi l’année de la reconnaissance de l’URSS par la France, alors gouvernée par le Cartel des gauches.

Une étape est franchie à partir de 1928. Un culte de la personnalité se met en place, à l'occasion du cinquantième anniversaire de Staline. Surtout, le Grand tournant, qui vise à accélérer l'industrialisation de l'URSS en lançant le plan quinquennal et la collectivisation, a contribué à le faire connaître à l'étranger. Henri Barbusse, qui a rencontré Staline en 1930, a publié en 1935 une biographie complètement hagiographique. Il dit de Staline, et cette phrase est restée célèbre, qu'il est « l'homme à la tête de savant, à la figure d'ouvrier et à l'habit de simple soldat ». Le mythe commence. Le successeur de Lénine y e...

Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée.