Interview

Le mythe de la Résistance en France : « une réécriture du passé »

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« Pour que la France vive ! La résistance radicale. Nos parlementaires morts pour la France », affiche, 1945 - source : Bibliothèque de la ville de Paris

La Résistance a-t-elle donné lieu à un récit unificateur qui a permis d'oublier la collaboration pour privilégier l'union nationale ? L'historien Laurent Douzou revient sur ce qu'il nomme le « mythe du mythe résistancialiste », estimant qu'il n'existe pas une mais des mémoires, parfois antagonistes, de cet épisode de l'histoire française.

RetroNews : Vous écrivez, dans vos travaux sur la Résistance, que le concept de « mythe » est aujourd’hui utilisé sans réflexion ni sur ce qu’il désigne, ni sur ses implications. Qu’est-ce qu’un mythe historique ? Et en quoi n'existe-t-il pas, selon vous, de mythe de la Résistance ?

Laurent Douzou : Un mythe est un récit qui traverse les âges et qui a pour fonction de fournir à une société une stabilité, une cohésion, de faciliter la vie commune, l'acceptation des règles. Ce récit peut varier dans le détail mais a un cadre qui reste à peu près immuable. C’est une clé identitaire. Le mythe s’étudie scientifiquement, c’est quelque chose de très profond, très ancré dans les sociétés et les populations.

L'usage qu’on en fait quand on parle de la Résistance est très différent : c’est un usage trivial, banal. Le mythe ne désigne plus du tout un récit unificateur et partagé : là, le terme est employé au sens de ce qui n’est pas conforme à la réalité des faits, ou ce qui est exagéré à des fins qui peuvent être idéologiques, politiques, partisanes. En l’occurrence, le mythe résistancialiste a consisté à dire que la Résistance avait été le fait de quasiment l’ensemble de la population : on comprend bien qu’il s’agit de gommer les clivages très profonds de l’Occupation et d’atténuer les dissensions qui travaillaient la société de l’immédiat après-guerre. Or on sait bien que la Résistance n’a jamais regroupé l'ensemble de la population française.

Le mythe est ici une réécriture du passé pour que le présent soit plus acceptable. Ce sont deux usages du mot radicalement différents.

Quelles différences...

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