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1938 : l’occupation de Teschen, la Tchécoslovaquie dépecée

A la suite des Accords de Munich, l’armée polonaise, suivant l’invasion des Sudètes par l’Allemagne nazie, réclame à son tour un territoire. Il s’agit de la ville de Teschen, au nord-est de la Tchécoslovaquie, que le colonel Beck convoite – et s’apprête à annexer.

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Anne Mathieu

Ecrit par

Anne Mathieu

Publié le

13 février 2025

et modifié le 13 février 2025

Image de couverture

La ville de Taschen à la veille de l'annexion par la Pologne, Excelsior, 1938 - source : RetroNews-BnF

A la suite des Accords de Munich, l’armée polonaise, suivant l’invasion des Sudètes par l’Allemagne nazie, réclame à son tour un territoire. Il s’agit de la ville de Teschen, au nord-est de la Tchécoslovaquie, que le colonel Beck convoite – et s’apprête à annexer.

Depuis son accession au pouvoir, le ministre polonais des Affaires étrangères, le colonel Beck (1894-1944) ne cesse de voyager à travers l’Europe ; son but, nourrir alliances et autres soutiens, et ainsi créer d’éventuels rapports de force… Le lecteur de la presse française a l’habitude de son patronyme, et sait qu’il n’augure rien de bon.

Par exemple, en 1937, le ministre a dénoncé le pacte de non-agression polono-tchèque signé en 1924, annonçant ainsi la revendication du district de Teschen, lequel occupera les pages des périodiques dès l’après-Munich. Nous allons nous y attarder dans quelques lignes.

Peu de temps avant l’ Anschluss, on suit le colonel Beck à Rome, pour des entretiens diplomatiques avec Mussolini et le comte Ciano. Le 7 mars 1938, le correspondant à Rome du Journal, Robert Guyon, rappelle :

« Depuis longtemps déjà, la nécessité d'une rencontre entre les deux gouvernements s'était fait sentir. Elle était, d'ailleurs, prévue depuis l'année dernière. L'on attendait le moment favorable.

Il semble que la sortie de l'Italie de la Société des nations, les événements d'Allemagne et d'Autriche, et le revirement de la politique anglaise aient influé sur la fixation à aujourd'hui de la date de la rencontre. »

Dans L’Œuvre du 8 mars, le titre de l’article de la chroniqueuse de politique étrangère Geneviève Tabouis (1892-1985), quant à lui, est sans équivoque :

« Le colonel Beck, messager du Führer, a été reçu hier par M. Mussolini. »

Le 15, elle écrit : « A Berlin on apprend que Hitler avait chargé le colonel Beck de faire accepter à Mussolini, lors de son voyage à Rome, la réalisation de l'Anschluss ». Le Populaire du 22 mars indique d’ailleurs que le colonel Beck jugeait l’Anschluss « inévitable ».

Les périodiques de gauche affublent le remuant ministre de sobriquets divers : pour Amédée Dunois (1878-1945), dans Le Populaire, c’est « l’aspirant Führer polonais » (20 mars 1938) ; pour le vice-président de la Ligue Internationale Contre l’Antisémitisme (LICA), G.-A. Tedesco, dans Le Droit de vivre, « le dictateur au petit pied » (2 avril 1938).

« Hitler a-t-il vendu la Lithuanie au colonel Beck ? », se demande un commentateur dans La Lumière du 18 mars 1938 :

« Aujourd'hui, les événements d’Autriche excitent de nouveaux conflits en Europe Orientale.

Et la Pologne, reprenant la formule de Hitler, proclame quelle elle entend "protéger sa minorité au-delà de la frontière", tandis qu'au Sénat de Varsovie retentit le cri : "A Kaunas" ».

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Le dépècement de la Tchécoslovaquie se profile au fil des mois, la tension ne cesse de s’accroître, et les jours avant la rencontre de Munich montrent également une focalisation sur le district de Teschen. Située à la frontière polono-tchécoslovaque, en Haute-Silésie, la ville de Teschen avait été disputée par les deux pays en 1919, et partagée entre eux en 1920.

« La Pologne n’oublie pas la Silésie de Teschen », signale un article du Jour du 17 septembre 1938, reprenant à l’appui des extraits d’un journal polonais. « La presse de Varsovie réclame les mêmes droits pour les Polonais de Teschen que pour les Allemands des Sudètes », écrit à son tour L’Œuvre du 19 septembre.

« Varsovie réclame sa part du gâteau. Il est inadmissible, dit la presse, que les Polonais de Tchécoslovaquie soient traités de façon différente des Allemands des Sudètes. Et les meetings se multiplient en faveur d’un rattachement de la Silésie de Teschen à la Pologne »,

informe La Croix le 21 septembre, par la plume de son commentateur Marcel Gabilly (1904-1984). Le 22 septembre, Paris-soir publie un article de son correspondant à Varsovie, Michel Model ; le chapô de cet article donne à lire avec clarté la situation tendue qui règne :

« Quelle que soit la décision de Prague à l'égard des propositions de Londres ou des exigences de Berlin, la Pologne ne renonce en aucune façon au retour du territoire de la Silésie de Teschen à la Pologne.

Tel est le mot d'ordre de toutes les manifestations polonaises dirigées contre la Tchécoslovaquie et tel est le point de départ des articles de presse traitant ce matin cette question. »

Le 23 septembre, Bertrand de Jouvenel (1903-1987), envoyé spécial de Gringoire à Prague, évoque la «  malchance de la Tchécoslovaquie », du fait que « sur ses quatre voisins, trois lui réclament quelque chose ».

« Non seulement l'Allemagne veut s'agrandir de trois encoches représentant à peu près les trois petites républiques allemandes de Bohême qui s'étaient constituées en octobre 1918 lorsque s'effondra l'empire austro-hongrois, mais encore les Polonais entendent récupérer Teschen, et, au sud du pays, les Hongrois réclament deux encoches à majorité magyare. »

De concentrations de troupes à la frontière en pressions diverses internationales, les choses évoluent vite, et, le 26 septembre, Excelsior titre par exemple : « Prague accepte de négocier avec la Pologne au sujet de Teschen ».

Le 28 septembre, en Une, Le Populaire publie « Une vue de Teschen bâtie à cheval sur la rivière Olza, qui sert de frontière entre la Tchécoslovaquie et la Pologne ». Le lendemain, photo et légende quasi-identiques sont également publiées en Une, dans La Tribune de l’Aube. On pourrait multiplier les exemples, attestant de l’attention portée aux autres territoires revendiqués par les nazis et leurs affidés.

Le 30 septembre sont signés les Accords de Munich. « L’abandon de la Tchécoslovaquie a-t-il affermi la paix ? », s’interroge la tribune libre des Cahiers des droits de l’Homme (numéro du 1er-15 octobre). On devine la réponse. Le 2 octobre, en Une, Ce soir publie une dépêche datée du 1er octobre à Prague :

« Le gouvernement de Prague a répondu affirmativement à la note polonaise remise hier soir au gouvernement tchécoslovaque et demandant l'évacuation du territoire de Cieszyn (Teschen).

L'occupation de ce territoire aura lieu ultérieurement. »

Le même jour, l’envoyé spécial du Matin spécifie : « Le différend polono-tchèque portant sur la région de Teschen est réglé. Les troupes polonaises pénétreront aujourd'hui à 14 heures dans la ville principale, les deux districts du territoire devant être occupés par étapes d'ici au 10 octobre. » Le 2 octobre, Le Figaro publie une dépêche de Varsovie intitulée : « Prague accepte d’évacuer le territoire de Teschen. » Autre version dans L’Humanité, dont la Une proclame : « Sous la contrainte, Prague abandonne Teschen à la Pologne. »

Le lendemain, c’est au tour de la Une d’Excelsior de s’emparer du sujet et de la mettre particulièrement en avant, notamment en publiant une photo où l’« on aperçoit, à l’arrière-plan, le pont sur l’Olza, qui séparait Teschen de la Pologne ». En ce 3 octobre, toute la presse française traite de cette occupation réalisée la veille. Ce soir publie une correspondance non signée de Varsovie :

« La population des deux parties de la ville de Teschen, celle appartenant déjà à la Pologne et celle qui lui fera retour au cours des heures prochaines, a accueilli la nouvelle de l'acceptation par Prague des exigences polonaises avec des sentiments de joie la plus vive.

Les habitants se sont massés par milliers des deux côtés du pont qui marquait la frontière supprimée. Aux accents des chants nationaux mêlés de cris de joie, le poteau frontière a été déplacé. »

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Même description dans Le Journal :

« De grandes manifestations ont commencé ce matin, à 11 heures, dans la ville de Cieszyn (Teschen), qui fête le retour de celle-ci à la Pologne. »

On retrouve le correspondant à Varsovie de Paris-soir, Michel Model, lequel décrit également cette « ville de Teschen déjà pavoisée de drapeaux polonais ». Dans L’Œuvre, Geneviève Tabouis souligne :

« La dignité du gouvernement de Prague est très grande : aucune critique, même vis-à-vis du gouvernement polonais. Et pourtant le maréchal Rydz-Smigly – en donnant aux troupes polonaises l'ordre d'entrer à Teschen – a soulevé une réprobation unanime. »

Le 4, Excelsior publie en dernière page une photo des « troupes motorisées polonaises sur le pont de l’Olza ». On use, aussi, parfois, des illustrations, pour traduire la situation. C’est par exemple le choix de La Flèche de Paris, le 7 octobre 1938, qui publie une série de vignettes de Soro : « Ceci se passe en Pologne, c’est-à-dire nulle part (Ubu roi) ».

Dans Marianne, le 5 octobre, le chroniqueur Stanislas de La Rochefoucauld (1903-1965) minimise l’événement, et brocarde au passage la figure d’Edvard Bénès, unanimement saluée à la gauche de l’échiquier politique :

« Il était évidemment pénible de demander aux Tchèques de consentir des sacrifices territoriaux à la Pologne et la Hongrie, mais, sur le plan de la justice pure, les revendications polonaises sur Teschen et la demande des Hongrois d'une rectification de frontières sont mieux fondées que les prétentions allemandes sur les territoires sudètes.

Au surplus, l'erreur de M. Benès dans le passé fut d'entretenir de mauvais rapports avec la presque unanimité de ses voisins. »

C’est l’indignation, en revanche, qui prime dans Regards, par exemple sous la plume de Pierre Unik (1909-1945) le 6 octobre :

« Devant l'ignoble impatience des gouvernants polonais, Prague, sous la contrainte d'un ultimatum, abandonne Teschen à la Pologne.

La presse allemande exulte. "Nous jubilons", écrit la Gazette de Francfort. »

Certains journaux traitent de la question des réfugiés : il y a ceux en provenance des Sudètes, mais il y a aussi ceux en provenance du territoire de Teschen, insiste Le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire du 9 octobre, reprenant à son compte les informations provenant d’un envoyé spécial de l’agence Havas :

« Les réfugiés civils sont répartis dans les familles, dans les écoles, dans des camps provisoires. La Croix-Rouge, avec l’assistance des femmes de toutes les classes de la population, assure leur nourriture.

D'après les récits de ces réfugiés et des officiers et soldats tchèques, qui les ont aidés à quitter leurs foyers, les soldats et officiers polonais se conduisent assez correctement et là où ils sont arrivés, ils parviennent à maintenir l’ordre.

Mais entre l’évacuation des troupes tchèques et l’arrivée des troupes polonaises, la population civile polonaise exerce sur les Tchèques qui n’ont pas eu le temps de se sauver les pires sévices. Les maisons de ceux-ci sont envahies et pillées. »

Le sarcasme des illustrations et textes de Soro frappe de nouveau dans La Flèche de Paris, le 14 octobre :

« Dès l'occupation de Teschen par les troupes polonaises. M. Flandin a adressé au colonel Beck le télégramme suivant :

‘Brosikmal (Führer en polonais), je n’oublierai jamais ce que tu as fait pour moi. Vive la Pologne ! Vive la paix sociale ! Vive P.-E. Flandin — P.-E. Flandin’. »

Ces annexions et autres occupations induisent des changements de monnaie, laquelle est au centre des préoccupations dispensées par L’Information financière, économique et politique : « Dans la zone de Cieszyn (Teschen), les Polonais introduisent le zloty de façon plus hâtive. Aujourd’hui même, 18 octobre, la Couronne tchèque est démonétisée » (édition du 19 octobre 1938). Des changements de production, aussi : L’Usine du 27 octobre explique que « par suite du transfert à la Pologne de la région tchécoslovaque de Teschen, les tréfileries d’Oderberg se trouv[ent] désormais en territoire polonais ».

Mais si Teschen, comme les revendications hongroises, comme les Sudètes continuent à faire couler de l’encre, déjà s’invite une autre question, celle de Dantzig. Le commentateur de La Dépêche de Toulouse, Jean Queyrière, l’évoquera le 17 octobre, et conclura ainsi son article :

« M. Beck a déjà pris, peut-être, le facile parti de la résignation devant l'inévitable. Mais en est-il de même de l'opinion polonaise ?

Celle-ci, mal informée ou égarée par la presse officieuse, ignore l'étendue des sacrifices consentis par la Pologne à Dantzig. Elle a applaudi sans réserve à l'occupation militaire de la Silésie de Teschen.

Et il a pu lui sembler tout naturel que M. Beck, ‘pour services rendus à l'Etat’, reçoive des mains du président de la République les insignes de la plus haute décoration polonaise. Son réveil, inévitable, n'en sera que plus cruel. »

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Anne Mathieu

Ecrit par

Anne Mathieu

Spécialiste du reportage et des journalistes engagés et/ou militants des années 30, Anne Mathieu travaille aussi sur ces questions jusqu'à la fin du XXe siècle dans une perspective autant discursive que prosopographique. Maîtresse de conférences HDR, elle est responsable du corpus « Journalistes engagés » dans le Maitron. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et mouvement social. Elle dirige la revue Aden et est une collaboratrice régulière du Monde diplomatique. Son dernier ouvrage paru s'intitule Sur les routes du poison nazi. Reporters et reportrices de l'Anschluss à Munich (2024).

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