Écho de presse

Schopenhauer, la gloire tardive d'un inquiet

le par

Arthur Schopenhauer, daguerréotype, 1852 - source WikiCommons

Arthur Schopenhauer (1788-1860) fut sans doute le philosophe le plus lu de la fin du XIXe siècle. C'est de cette époque que date son image de pessimiste absolu, pour qui la vie n'est que souffrance.

Le 7 octobre 1856, un rédacteur de La Gazette de France raconte sa brève rencontre avec le philosophe allemand Arthur Schopenhauer, 68 ans. C'est sans doute la première et seule interview de lui jamais publiée dans la presse française. Quatre ans plus tard, Schopenhauer mourait.

 

« En 1818, M. Schopenhauer, disciple et émule de Kant, a publié un livre de philosophie intitulé : Le Monde comme volonté et imagination [...]. Si M. Schopenhauer eût été ambitieux ou seulement nécessiteux, il serait devenu professeur à n'importe quelle Université duodécimale de l'Allemagne, et son système philosophique, qui est le complément affirmatif de la partie négative de Kant, eût fait du bruit.

 

Mais comme il aimait mieux vivre en philosophe de mansarde, – c’est le nom qu’il se donne – loin du monde et de la science à livrée, personne [...] ne fit mention de son livre [...].

 

Tout à coup, après quarante années de silence, la critique esthétique et philosophique, croyant M. Schopenhauer mort et enterré, l’exhume, l'analyse et le déclare le premier philosophe du siècle, le premier penseur de l’Allemagne [...].

 

De toutes parts on vient voir le célèbre philosophe Schopenhauer, à tel point que le vieillard, car il a 72 ans [sic], est forcé de fermer sa porte, et qu'il faut lui écrire pour avoir l’honneur de lui être présenté. Il y a trois semaines que, me trouvant avec des écrivains allemands dans le cabinet de Schopenhauer, ce beau vieillard ouvrant le tiroir d'un petit secrétaire où se trouvaient 200 florins, nous dit :

 

“Voici, messieurs, le premier argent que j'ai gagné avec ma pensée et ma plume depuis que je suis au monde. J'ai soixante-douze ans. Quand M. Sucheland, mon éditeur, m’a apporté cet argent, – je lui avais donné carte blanche, – j'ai rougi comme une jeune fille qui reçoit le premier baiser de son bien-aimé. Je crois, par ma foi, que j’ai pleuré de joie. Aussi ces 200 florins resteront-ils intacts, comme trophée de la vérité.”

 

Qui donc a dit que le génie était la patience ? »

L'amertume aura sans doute joué un rôle plus important dans la vie de Schopenhauer (1788-1860) q...

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