Chronique

La politique des otages sous l'Occupation

le 06/10/2021 par Paul Boulland
le 23/10/2017 par Paul Boulland - modifié le 06/10/2021
"Au camp des martyrs [...] 1, Ténine ; 2. Michels; 3, Granet ; 4, Auffret ; 5, Guy Môquet ; 6, Pourchasse" - L'Humanité 22 octobre 1944 - Source RetroNews BnF

Dans la France de Vichy, les annonces d'exécutions se succèdent dans la presse. L'historien Paul Boulland retrace la mise en œuvre par l'occupant allemand d'une « politique des otages ».

Le 23 octobre 1941, partout en France, les quotidiens publient une liste de 48 otages fusillés par les autorités d’occupation allemandes.

Dans Le Matin :

Dans Le Réveil du Nord :

Dans Le Petit Parisien :

Ces exécutions correspondent à une accélération dramatique de la répression menée par l’occupant allemand et plus spécifiquement à la mise en œuvre de la « politique des otages » [Sur le sujet, voir l’article de Dominique Tantin]. Au cours de l’été 1941, après l’entrée en guerre de l’Allemagne contre l’Union soviétique, le général Otto Von Stülpnagel, à la tête du Militärbefelshaber in Frankreich (MBF), décrète que toute activité communiste pourra être punie de la peine de mort. Le 21 août 1941, Pierre Georges, le futur colonel Fabien (Voir sa biographie dans le Maitron) abat l’aspirant Moser au métro Barbès. Les autorités allemandes décident alors qu’« en cas de nouvel acte, un nombre d’otages correspondant à la gravité de l’acte commis, sera fusillé ». Depuis Berlin, les instructions d’Hitler, relayées par le maréchal Keitel, considèrent que « l’effet de terreur doit être accru par la méthode d’exécution » et envisagent « la peine de mort pour 50 à 100 communistes comme le châtiment convenable pour la mort d’un soldat allemand ». Ainsi, en France, le « Code des otages » prévoit que, faute de pouvoir arrêter les coupables, l’occupant décidera de représailles massives, en priorité contre les communistes et les Juifs, considérés comme « idéologiquement coupables ».

Le 20 octobre, à Nantes, Karl Hotz est exécuté par un commando composé de Gilbert Brustlein (Voir sa biographie) et Spartaco Guisco (Voir sa biographie), membres de l’Organisation spéciale de combat (OS) du Parti communiste clandestin. Aussitôt, Von Stülpnagel annonce l’exécution de cinquante otages. Son avis est reproduit dans tous les quotidiens en France :

Ce sont finalement 48 otages qui sont exécutés en différents lieux : 27 à Châteaubriant (Consulter leurs biographies), 16 au champ de tir du Bêle à Nantes (Voir leurs biographies) et 5 au Mont-Valérien (Voir leurs biographies). L’avocat Fernand Ridel (Voir sa biographie) avait pu échapper à la mort.

La liste des otages, parmi lesquels figurent une majorité de communistes et de nombreux militants identifiés comme juifs, souligne l’application des critères idéologiques des autorités nazies. Mais on y retrouve également des militants socialistes, tels qu’Alexandre Fourny (Voir sa biographie) et d’autres identifiés comme gaullistes et très peu connus, à l’image de Michel Dabat (Voir sa biograpghie) et Jean-Pierre Glou (Voir sa biographie), tous deux âgés de vingt ans.

On pourra se reporter au Dictionnaire des fusillés, en ligne, pour retrouver l’intégralité de leurs biographies, et plus largement celles de l’ensemble des fusillés durant la période de l’Occupation, qu’ils aient été condamnés à mort, désignés comme otages ou exécutés sommairement (pour ces derniers, les recherches sont encore en cours).

Dès le 23 octobre, au micro de la BBC, le général De Gaulle évoque les exécutions de la veille et souligne le « crime » des autorités allemandes : « Nous éti...

Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée.