Chronique

Landru, un assassin très médiatique

le 08/11/2019 par Anne-Claude Ambroise-Rendu
le 24/05/2016 par Anne-Claude Ambroise-Rendu - modifié le 08/11/2019
Le matin, 8 novembre 1921

Le procès de Landru, en novembre 1921, a défrayé la chronique. L'historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu revient sur le traitement dont il a fait l'objet dans la presse de l'époque.

Le 12 avril 1919, Henri Désiré Landru, soupçonné d’avoir fait disparaître une femme, est arrêté dans un appartement de la rue de Rochechouart sous le nom de Guillet. Au terme de l’instruction qui a duré près de 18 mois, Landru est accusé d’avoir assassiné 10 femmes et un enfant dans ses maisons de campagne, à Vernouillet d’abord, puis à Gambais en Seine-et-Oise, entre 1914 et le moment de son arrestation.

L’affaire passionne la presse qui l’intègre instantanément à un imaginaire de conte de fée terrifiant « où la plus basse escroquerie se colore d’on ne sait quels reflets de stupre ». Rebaptisé « le Barbe bleue de Gambais », Landru est l’objet de folles conjectures : on le soupçonne d’avoir brûlé les os de ses victimes et d’avoir jeté les chairs aux brochets.

Le procès qui s'ouvre le 7 novembre 1921 devant la Cour d'assises à Versailles est présenté d’entrée de jeu comme un théâtre dans lequel va se jouer une pièce à suspens. Sur cette scène judiciaire, dominée par l’ironie et le comble, la comédie le dispute à la tragédie.

Car les journaux ont suivi de si près l’instruction, donné tant de fois la parole au héros que le lecteur le connaît. Qui peut avoir oublié qu’au juge d’instruction s’étonnant de sa mine négligée et de sa barbe embroussaillée, il aurait répondu: « Que voulez-vous ? En prison on se fait des cheveux plus qu’on ne voudrait, c’est la barbe ! »

 

Double visage

Déjà fasciné, le public se presse donc aux audiences. Le crime répété, l’habileté d’un assassin qui change cinquante fois de nom pour égarer les soupçons ont de quoi intéresser le public, comme le fameux carnet dans lequel sont méthodiquement consignés les conquêtes, les déplacements et les dépenses.

Or cette obsession a perdu Landru. Le brigadier Riboulet confie dix ans plus tard à L’Ouest-Éclair : « Landru s’est accusé lui-même. C’est lui qui a dressé contre sa propre personne le plus puissant faisceau de preuves matérielles que l’on puisse imaginer. (...). Il n’eût pas si minutieusement tenu à jour sa comptabilité et sa correspondance que, fort probablement, il aurait réussi à tromper la justice. Landru fut un trop bon comptable… »

Landru offre un double visage, bon père de famille*, locataire exact, à la fois courtois, serein, logique et ordonné, la mise soignée et calme, un homme attentif qui met sa main en cornet derrière son oreille pour mieux entendre les propos du président mais dont le sourire fugitif, les sourcils charbonneux, la barbe pointue et les « grands bras que terminent de longues mains maigres et violettes » semblent ceux d’un démon. « Loup Garou » pour les habitants de Gambais, « monsieur » « bien convenable, on jurerait un chef de rayon à la soie » pour le public de la cour d’assises, Landru, « même sans bouger, et avant qu’il ait parlé est déjà Protée », note Colette dans Le Matin.

 

Un "artiste du crime"

Cet « homme poli et narquois » qui toise le public et ...

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